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Déclaration des droits de l’homme et du citoyen Le 9 juillet 1789, l’Assemblée se déclare constituante afin d’élaborer une constitution dans laquelle les rapports entre pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire seraient redéfinis. Le même jour, Jean Joseph Mounier, député du Dauphiné, obtient du comité rédactionnel de faire précéder la constitution à venir d’une déclaration des droits de l’homme : « Pour qu’une constitution soit bonne, il faut qu’elle soit fondée sur les droits de l’homme et qu’elle les protège ; il faut connaître les droits que la justice naturelle accorde à tous les individus, il faut rappeler tous les principes qui doivent former la base de toute espèce de société, et que chaque article de la Constitution puisse être la conséquence d’un principe ». Jean Joseph Mounier Le comité rédactionnel reçoit les projets de déclaration de Mounier, La Fayette (il présente le 11 juillet, sa Déclaration des droits naturels de l’homme vivant en société élaboré avec son ami Thomas Jefferson, ambassadeur des Etats-Unis et auteur de la Déclaration d’Indépendance américaine), Lally-Tollendal et Servan, Sieyès et Clermont-Tonnerre. Le 2 août, dans un article du journal Politique National, l'abbé Sabatier de Castres critique le projet de faire précéder la constitution d'une déclaration des droits de l'homme : « Craignez que les hommes, auxquels vous n'avez parlé que de leurs droits et jamais de leurs devoirs, que des hommes qui n'ont plus à redouter l'autorité royale ne veuillent passer de l'égalité naturelle à l'égalité sociale, de la haine des rangs à celle des pouvoirs, et que de leurs mains rougies du sang des nobles, ils ne veuillent aussi massacrer leurs magistrats. ». Le 4 août, l'Assemblée décide, à une grande majorité, que la Constitution serait accompagnée d'une déclaration des droits de l'homme ; le député Camus propose qu'on y joigne une déclaration des devoirs, mais son amendement est rejeté. Un comité de cinq membres (le sixième bureau) effectue une synthèse des propositions de déclaration, synthèse qui est lue par le comte de Mirabeau devant l’Assemblée le 18 août. Ce texte suscitant de vives critiques, les députés décident de prendre pour base les projets de La Fayette, Sieyès et du sixième bureau de l’Assemblée. Le 19 août, Rabaut-Saint-Étienne souhaite qu’une déclaration simple, claire, d’un style qui fût à la portée du peuple, renfermât toutes les maximes de liaison et de liberté qui, enseignées dans les écoles, formeraient une génération d’hommes libres, capables de résister au despotisme. Le 26 août, au bout de 6 jours de discussion, l'Assemblée Constituante adopte, sous les auspices de l’Être suprême, le texte définitif de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sous forme d’articles concis, dont les principaux rédacteurs sont : Sieyès, Condorcet, La Fayette, Mounier et Mirabeau. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, empreinte de l'esprit philosophique du XVIIIe siècle et proche de la déclaration de l'indépendance américaine de 1776, sert de préambule à la première Constitution de la Révolution française (1791) ; elle reste une référence pour les institutions républicaines (notamment dans la Constitution de 1958, celle de la Ve République) : « Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen : Article premier. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. Article 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression. Article 3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. Article 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. Article 5. La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. Article 6. La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. Article 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la résistance. Article 8. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. Article 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. Article 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. Article 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. Article 12. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée. Article 13. Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés. Article 14. Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. Article 15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Article 16. Toute société, dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. Article 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. » Déclaration des devoirs de l'homme et du citoyen La constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795), acceptée par référendum le 6 septembre et proclamée le 23 (1er vendémiaire), est précédée par la déclaration des droits mais aussi, pour la première et dernière fois de l’Histoire de France, d'une Déclaration des devoirs de l'homme et du citoyen en 9 articles : « Article I : la Déclaration des droits contient les obligations des législateurs ; le maintien de la société demande que ceux qui la composent connaissent et remplissent également leurs devoirs. Art. II : tous les devoirs de l'homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les cœurs : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît. Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir. » Art. III : les obligations de chacun envers la société consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois et à respecter ceux qui en sont les organes. Art. IV : nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux. Art. V : nul n'est homme de bien s'il n'est franchement et religieusement observateur des lois. Art. VI : celui qui viole ouvertement les lois se déclare en état de guerre contre la société. Art. VII : celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous, se rend indigne de leur bienveillance et leur estime. Art. VIII : c'est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail et tout l'ordre social. Art. IX : tout citoyen doit ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l'égalité et de la propriété toutes les fois que la loi l'appelle à les défendre. » Déclaration universelle des droits de l’homme Le 10 décembre 1948, l'Assemblée générale des Nations unies, réunie à Paris, adopte la Déclaration universelle des droits de l'homme [résolution 217 (III) A]. L'article 29.1 de la DUDH évoque les devoirs de la personne. Le Conseil constitutionnel français n'accorde pas de statut juridique positif à la Déclaration de 1948, alors que celle de 1789 est intégrée au bloc de constitutionnalité depuis 1971. 1 En revanche, d'extension géographique moindre, la Convention européenne des droits de l'homme, signée par les États membres du Conseil de l'Europe le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953, comporte des dispositions contraignantes pour les États. 2 Citations Renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs. (Jean-Jacques Rousseau + 1778, Du contrat social) Nul ne veut le bien public que quand il s'accorde avec le sien. (Jean-Jacques Rousseau, Lettre à Mgr de Beaumont) Il y a un droit du plus sage, mais non pas un droit du plus fort. (Joseph Joubert + 1824, Pensées) C'est le devoir qui crée le droit et non le droit qui crée le devoir. (François René de Chateaubriand + 1848, Extrait d’un Discours à la Chambre des Pairs) Nul ne possède d'autre droit que celui de toujours faire son devoir. (Auguste Comte + 1857, Extrait du Système de politique positive) La République affirme le droit et impose le devoir. (Victor Hugo + 1885, Extrait du Choses vues) Faites votre devoir d’abord, vos droits vous seront reconnus ensuite. (Baden-Powell + 1941) Les hommes doivent, partout dans le monde, reconnaître leur appartenance au genre humain, avec l’ensemble des droits et des devoirs qui découlent de cette idée. (Mikhaïl Gorbatchev, Président de l'URSS de mars 1990 à décembre 1991) La vie en société donne des droits mais exige aussi des devoirs ; les premiers découlent des seconds : sans devoirs droits ne perdurent [...] Les peuples font des révolutions pour conquérir des libertés que les pouvoirs successifs et divers s'emploieront à limiter [...] La France est la patrie des droits de l’homme ; l’Angleterre, celle des droits de la personne [...] La démocratie n’est-elle pas bafouée quand le Chef de l’Etat ne promulgue pas des Lois votées par le Législateur ou que le gouvernement de la République ne les fait pas appliquer, et que le Ministère Public ne fait pas exécuter les jugements prononcés par les tribunaux ? [...] La démocratie est le contraire de l’étatisme. La démocratie ne peut s’exercer sans une stricte séparation des pouvoirs : que dire d’un pays où l’exécutif et le judiciaire font la loi au lieu de l’appliquer et où le législatif se trouve à la remorque de l’exécutif ? (Jean-Paul Coudeyrette, Autocitations) Notes 1 https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_universelle_des_droits_de_l%27homme 2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_europ%C3%A9enne_des_droits_de_l%27homme Sources Auteur : Jean-Paul Coudeyrette Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur. Date de mise à jour : 20/05/2024 |