Le S.I.D.A.

Le syndrome immunodéficitaire acquis (S.I.D.A. ou A.I.D.S.) est le stade avancé de l’infection par un rétrovirus, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH ou HIV), caractérisé par une déficience de certaines cellules du système immunitaire, les lymphocytes T CD4 (ou T4), qui facilite les infections par divers micro-organismes (bactéries, champignons, parasites) et l’apparition de certains cancers.


Le sous-groupe M du VIH-1 à l'origine de l'épidémie de SIDA (syndrome d’immunodéficience acquis), en anglais AIDS, est issu d'un ancêtre viral unique datant de 1931 (revue Science, 2000).
Transmission précoce ? : vers 1880, le virus SIV du singe se transmet à l’homme par consommation de chimpanzés d'Afrique centrale et de l'Ouest ; après adaptation, il devient le VIH humain ; 1931 il commence à muter et produire des sous-groupes (M, N, O) responsables de l’épidémie.
Transmission tardive ? : en 1931, brusque passage du chimpanzé à l'homme (viande de brousse), provoquant le démarrage de l'épidémie, ou, entre 1940 et 1950, passage simultané de multiples souches du VIH des singes à l'homme.

Le 1er octobre 2008 la revue britannique Nature publie une étude réalisée par des chercheurs américains, congolais, français et belges. Elle repose sur la comparaison de deux échantillons viraux datant de 1959 et 1960. Le premier (ZR59) est le plus ancien virus humain disponible à ce jour. Le second (DRC60) provient d’un extrait de ganglion conservé dans de la paraffine et récemment découvert dans les archives de l’hôpital général de Kinshasa (ex-Léopoldville). L'équipe de scientifiques a analysé la séquence génétique de ces deux souches et a constaté de nombreuses différences entre les deux puisqu’elles divergent d’au moins 12%. Selon les chercheurs, pour qu’une telle variation ait été possible dans les années soixante, il a fallu que le virus apparût dans la population humaine au début du siècle et peut être même avant (entre 1884 et 1924) ; soit pratiquement cinquante ans plus tôt que ce qui était admis jusqu’alors par la communauté médicale. (nouvelobs.com, 02.10.2008)
Marlea Gemmel, de l'Université d'Arizona, à Tucson aux Etats-Unis établit que le virus a évolué sur une longue période et a touché la population dès 1908, mais sans provoquer d'épidémie. C'est l'urbanisation de l'Afrique, dans les années 60, qui a permis au virus de se répandre.
Les changements de notre mode de vie auraient permis à un virus circonscrit dans un endroit isolé de se disséminer et de devenir plus actif : libération des mœurs sexuelles, transfusion et distribution de produits dérivés du sang à travers le monde, partage des aiguilles et seringues chez les usagers de produits injectables, injections de médicaments avec du matériel pas ou mal stérilisé ; en Afrique, transmission du VIH facilitée par les fréquentes lésions de muqueuses génitales et les transfusions avec du sang contaminé.

Dans une étude publiée dans le magazine Science du 3 octobre 2014, une équipe internationale de chercheurs retrace les origines de la pandémie de sida et lui attribue une origine géographique et historique précise : les années 1920 à Kinshasa (République démocratique du Congo). Ces chercheurs ont pu reconstituer l'histoire génétique du rétrovirus VIH (virus de l'immunodéficience humaine) responsable du sida, en se concentrant sur la souche du groupe M, la plus fréquente.

Certaines hypothèses ont été écartées :
- Une mutation a entraîné une augmentation du pouvoir pathogène du virus. Peu probable : cette mutation aurait dû se produire simultanément au niveau des 2 virus VIH-1 et VIH-2 dont les codes génétiques sont relativement éloignés. Le VIH-1 pourrait venir d'un virus présent chez le chimpanzé et qui existerait depuis longtemps dans quelques populations humaines isolées le tolérant bien ; le VIH-2, moins virulent que le VIH-1, viendrait d'un virus de singe africain, le mangabey, qui le tolère bien.
- Le virus a été fabriqué artificiellement par l'homme. Impossible : car les premiers cas d'infection par le VIH ont été recensés au début des années 1970 alors que la technologie ne permettait pas de manipulations génétiques. En 1983, une campagne de désinformation a été lancée par des journaux soviétiques et un professeur est-allemand : le virus aurait été intentionnellement synthétisé aux USA pour anéantir la race noire en Afrique du Sud. Mais un accident se serait produit au Zaïre et le système contaminant réservé aux Noirs se serait trouvé modifié. Le Pt de l'Académie éthique de médecine a démenti cette thèse.
- Un vaccin oral contre la poliomyélite, obtenu à partir de cellules rénales de chimpanzé et administré en Afrique centrale entre 1957 et 1960, aurait permis au virus de passer du singe à l'homme. L’unité de rétrovirologie de l'Institut Pasteur de Paris, choisie par un comité d'experts avec les Instituts Roche de Californie et Max Planck de Leipzig afin d'analyser les échantillons, n'a trouvé aucune corrélation.

Le 2 mars 2015, la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) publie la conclusiond'une étudemenée par l'Institut Français pour la Recherche et le Développement (IRD) en collaboration avec de nombreux partenaires. Le VIH-1, àsavoir le principal type de virus du sida présent dans le monde,se compose de quatre groupes (M, N, O et P), chacun ayant une origine propre. Or, sil'origine simienne (issue des singes) des groupe M et N (en fait des chimpanzés du Cameroun) avait été identifiée il y a plusieurs années, le réservoir des groupes O et P restait jusqu'ici inconnu : jusqu'ici, puisqu'on sait désormais queces variants sont originaires de gorilles du sud-ouest du Cameroun. "Cette étude montre que, comme les virus de l'immunodéficience simienne (SIV) infectant des chimpanzés, ceux des gorilles sont aussi capables de traverser la barrière des espèces et peuvent provoquer des épidémies", explique Martine Peeters,virologue de l'IRDet de l'Université de Montpellier, qui a conduit ces travaux. 1

1959 : un bantou habitant Léopoldville est le 1er cas de virus VIH-1 (identifié en 1998).

1969 : le sida est introduit aux Etats-Unis par un immigrant haïtien célibataire. C’est le résultat de l’étude de Michael Worobey, professeur de biologie à l'Université d'Arizona (sud-ouest), publiée dans les Annales de l'académie nationale américaine des sciences (PNAS) le 29 octobre 2007.

1981 : Depuis début 1981, de jeunes homosexuels meurent dans les hôpitaux américains d’une forme rare et très meurtrière de cancer ou d’infection pulmonaire foudroyante. On parle de « syndrome gay ». Très vite, des cas sont observés chez des hétérosexuels, d’abord des consommateurs d’héroïne ou des hémophiles transfusés. Le 5 juin, le Center for Disease Control d’Atlanta publie un rapport sur 5 cas graves de pneumonie survenus à Los Angeles, au cours des 8 mois précédents, chez des hommes jeunes et homosexuels.
Un cas similaire est également découvert en France.
Les centres américains de contrôle et de prévention des maladies rapportent leurs observations sur une nouvelle maladie rare qui sera nommée plus tard «SIDA».

1982
- En janvier et février 1982, la transmission par voie sexuelle et sanguine du SIDA, syndrome d’immunodéficience acquis (en anglais : AIDS), est démontrée dans les groupes à risques (Haïtiens et hémophiles).
- La description des premiers cas de sida chez les hémophiles (sujets à de fréquentes transfusions sanguines) et chez les toxicomanes par voie veineuse, et l’identification dans certains cas du patient à l’origine de la contagion permettent de confirmer l’origine infectieuse de la maladie et de préciser ses modes de transmission : le sang et les relations sexuelles.
- Des médecins français (dont Mayaud, Leibowitch et Picard) avancent que le syndrome n’est peut-être pas lié à la seule homosexualité, pourtant risque majeur, et qu’il pourrait être présent en Afrique.

1983 : en mars, le virus responsable du SIDA, un rétrovirus baptisé LAV-1, est identifié à l’Institut Pasteur (Paris) par Françoise Barré-Sinoussi, Jean-Claude Chermann et Luc Montagnier. Cette découverte est publiée le 20 mai dans la revue Science.

1984 : en avril, Robert Gallo (USA) rapporte l’association de la maladie avec un rétrovirus appelé HTLV3 et affirme que les deux virus sont différents.
Après une polémique féroce, il sera démontré que les deux virus sont identiques.

1985 : en janvier, l’ensemble du message génétique porté par le virus du sida est publié.

1986 : l’Institut Pasteur découvre un deuxième virus du sida humain : VIH-2 dont le code génétique est différent de celui du VIH-1. L’azidothymidine (AZT) devient le premier médicament actif dans la lutte contre le sida.

1987
- L’année 1987 marque un tournant avec l’arrivée du premier traitement : l’AZT. Testée dans les années 60 contre le cancer, mais trop toxique, cette molécule réduit la capacité du virus à s’intégrer dans l’ ADN des cellules. Les effets secondaires sont lourds (nausées, anémie…), mais il n’y a pas d’alternative.
- La divergence génétique entre le virus le plus répandu en Europe et aux États-Unis et certaines souches isolées en Afrique occidentale étant très grande, il faut développer un test de dépistage différent et définir deux types viraux principaux (VIH-1 et VIH-2).
- Accord franco-américain où Gallo et Montagnier sont qualifiés de "codécouvreurs" du virus du sida.
- En octobre, l’Assemblée générale des Nations unies vote une résolution appelant toutes les nations de la planète à soutenir la stratégie de prévention du sida définie par l’Organisation mondiale de la santé.

1991 : en octobre, le scandale du sang contaminé par le virus du sida éclate en France. Entre 1984 et 1985, des produits sanguins contaminés par le VIH ont été sciemment distribués à des hémophiles par le Centre national de transfusion sanguine (CNTS). Absence de sélection des donneurs, retard du dépistage des lots pour des raisons financières, interdiction tardive des produits non chauffés : tels sont les faits reprochés à quatre médecins, dont Michel Garretta, directeur du CNTS, et Jacques Roux, directeur général de la Santé. En 1992, ils écopent de quatre ans de prison, fermes pour Garretta, avec sursis pour Jacques Roux. Trois ministres sont mis au banc des accusés : Laurent Fabius, Georgina Dufoix et Edmond Hervé. Seul ce dernier sera reconnu coupable, mais dispensé de peine.

1994 : le 11 juillet, les Etats-Unis reconnaissent la paternité de l'Institut Pasteur dans la découverte du virus du Sida.

1995 : le 12 février, l’épiscopat français, dans son rapport Sida, la société en question, admet le recours au préservatif pour prévenir la transmission du virus du sida.

1996
- Début de la trithérapie qui consiste à administrer trois médicaments antiviraux en même temps. Elle réduit considérablement la mortalité mais ne permet pas de guérir définitivement du sida : les patients sont en rémission, contraints à un traitement à vie.
- Le 31 août, le cardinal de Nairobi, Maurice Otunga, livre publiquement aux flammes des boîtes de préservatifs et des petits livres sur le SIDA.

1998 : le professeur François Simon (hôpital Bichat) découvre une nouvelle souche (VIH-1-N) chez une femme morte au Cameroun en 1995.

2000 : en mars, le Pt sud-africain Thabo Mbeki déclare soutenir les thèses de Peter Duesberg et David Rasnick récusant la responsabilité du VIH dans le sida (?!)

2001 : une quarantaine de chefs d’État se réunissent à Doha, au Qatar. C’est une première : une session extraordinaire des Nations unies consacrée à une maladie. Des accords sont signés pour contourner le droit des brevets au profit des pays émergents, et produire des génériques. Le secrétaire général des Nations unies y annonce la création du Fonds mondial, financé par des États et des donateurs privés.

2006 : Unitaid est créé pour centraliser les achats de médicaments et obtenir les meilleurs prix. Pour le financer, une taxe de solidarité est prélevée sur les billets d’avion (de 1 à 4 Euros en classe éco).

2008 : le prix Nobel de médecine est attribué aux seuls Français Montagnier et Barré-Sinoussi "pour leur découverte" du VIH.

2016 : dans un arrêté publié le 10 juin au JO, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, autorise la dispensation de PrEP (prophylaxie pré-exposition) contre le VIH/sida dans les tout nouveaux Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD). Ce traitement préventif, pour les personnes séronégatives, est remboursé en France par la Sécurité sociale. L'efficacité de la PrEP (prophylaxie pré-exposition) est démontrée dans le cadre de la lutte contre le sida. Ce traitement préventif est destiné aux populations séronégatives exposées à un haut risque de contracter le VIH. Cette nouvelle méthode, associée au Truvada (contenant deux antirétroviraux, emtricitabine et ténofovir, qui ont montré leur efficacité), permet d'éviter tout risque d'infection par le VIH.

2017 : le 20 juillet, l'ONUSIDA publie un rapport montrant qu'en 2016, sur les 36,7 millions de personnes porteuses du VIH, 19,5 millions ont eu accès au traitement et les décès liés au SIDA ont chuté de 1,9 million en 2005 à 1 million.

Le 7 juillet 2018, le virologue Dan Barouch fait état d'un progrès encourageant avec un vaccin expérimental contre le VIH qui a provoqué une réaction immunitaire chez des humains et protégé des macaques de l'infection. Le développement de ce potentiel vaccin, sûr pour l'homme, est maintenant suffisamment avancé pour lancer un test sur 2 600 femmes en Afrique australe.
Les vaccins mis à l'étude pour lutter contre le sida se sont pour l'instant tous avérés être des échecs, ou du moins n'ont pas les vertus curatives, mais restent protecteurs, comme dans le cas du RV144 développé par un laboratoire thaïlandais ou le HVTN702 conçu par des chercheurs sud-africains.

2019 :
- le 23 juillet, à Mexico, lors de la conférence internationale sur le sida, le laboratoire Merck présente les résultats d’un essai clinique : un implant qui peut diffuser en continu un médicament anti-rétroviral à dose suffisante pendant au moins un an.
- Selon l'étude publiée le 6 novembre dans le Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes, une équipe de recherche menée par le laboratoire américain Abbott a identifié une nouvelle souche de virus du sida, la première mutation observée depuis 19 ans. Il s'agit d'un virus de type VIH-1 appartenant au sous-type L du groupe M, le plus répandu (99 % des infections).
- selon ONUSIDA : "En 2019, 690 000 (estimation moyenne d'une fourchette entre 500 000 et 970 000) de personnes sont décédées de maladies liées au sida dans le monde, contre 1,7 millions (1,2 millions - 2,4 millions) en 2004 et 1,1 millions (830 000 - 1.6 millions) en 2010."

Le 18 mai 2020, les Instituts américains de santé (NIH) annoncent que, lors d'un essai clinique de grande ampleur, des chercheurs ont testé avec succès un nouveau médicament contre le VIH : le cabotegravir, qui serait plus efficace que la PrEP (2016). Une injection tous les deux mois permettrait d'être protégé du virus.

2021 :
- le 19 août, le laboratoire Moderna annonce débuter une phase 1 d'essais cliniques pour un vaccin contre le VIH, le virus responsable du Sida : l'entreprise américaine de biotechnologie utilisera la technologie de l'ARN messager présente dans son vaccin contre le Covid-19
- le 9 décembre, des chercheurs annoncent que le vaccin utilisant la technologie de l'ARN messager a montré de premiers résultats prometteurs chez les animaux.
- depuis le 21 décembre, les personnes séropositives stables peuvent, si elles le souhaitent, se voir prescrire une injection intramusculaire de deux antirétroviraux (cabotégravir, et rilpivirine) à effectuer tous les deux mois pour contenir l'infection au VIH, afin de remplacer leur traitement à base de comprimés quotidiens (ce traitement a été approuvé par l'Agence européenne des médicaments et a reçu l'aval des autorités françaises).
- 38,4 millions vivent dans le monde avec la maladie selon l’Onusida.

2022 :
- selon Futura Santé publié le 19 février, une femme est en rémission du VIH et d'une leucémie après avoir été soignée par un nouveau type de greffe de cellules souches hématopoïétiques. Si son état reste stable, elle sera la troisième personne guérie du VIH grâce à une greffe, après les patients de Londres et de Berlin.
- le 27 juillet, à Montréal, à l’occasion de la 24eme Conférence internationale sur le sida, le centre de recherche "City of Hope" annonce qu'un homme de 66 ans, diagnostiqué séropositif en 1988, est guéri du VIH et d'un cancer du sang après une greffe de cellules souches : le traitement antirétroviral qu'il suivait pour lutter contre la maladie depuis plus de 30 ans a été arrêté en mars 2021.

Citations

La meilleure prévention contre le SIDA, c'est encore de pas l'attraper. (Jean-Marie Gourio, Brèves de comptoir, 1988)

Si le sida ne s'attrapait qu'à travers des seringues, il n'intéresserait personne. (Françoise Giroud 1916-2003)


Note
1 http://tempsreel.nouvelobs.com/sante/20150303.OBS3742/l-origine-du-sida-elucidee.html


Sources


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Date de mise à jour : 22/05/2024

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