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Le concordat (du latin concordatus participe du verbe concordare signifiant être d'accord, s'accorder) est un acte de conciliation, un accord, notamment en droit ecclésiastique et en droit commercial ; le terme désigne généralement une convention signée entre un État et le Saint-Siège. Le 15 juillet 1801 (26 messidor an IX), après de longues heures de discussion, le cardinal Consalvi, au nom du pape Pie VII, signe (dans la nuit du 15 au 16) avec Joseph Bonaparte (pour le Premier Consul), le Concordat qui restaure la religion catholique en France et abolit la loi de 1795 séparant l'Eglise de l'Etat ; en retour, le Saint-Siège reconnaît la légitimité de la République. Sa Sainteté le souverain Pontife Pie VII, et le premier Consul de la République française, ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs : Sa Sainteté, son éminence monseigneur Hercule Consalvi, cardinal de la sainte église romaine, diacre de Sainte-Agathe ad Suburram, son secrétaire d'Etat ; Joseph Spina, archevêque de Corinthe, prélat domestique de sa Sainteté, assistant du trône pontifical, et le père Caselli, théologien consultant de sa Sainteté, pareillement munis de pleins pouvoirs en bonne et due forme ; Le premier Consul, les citoyens Joseph Bonaparte, conseiller d'Etat ; Cretet, conseiller d'Etat, et Bernier, docteur en théologie, curé de Saint-Laud d'Angers, munis de pleins pouvoirs ; Lesquels, après l'échange des pleins pouvoirs respectifs, ont arrêté la convention suivante : « Convention entre le Gouvernement français et Sa Sainteté Pie VII. Le Gouvernement de la République française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des Français. Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore en ce moment le plus grand bien et le plus grand éclat de l'établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu'en font les consuls de la République. En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit : ARTICLE PREMIER. - La religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France : son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le Gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique. ART. 2. - Il sera fait par le Saint-Siège, de concert avec le Gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français. ART. 3. - Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés français qu'elle attend d'eux avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de l'unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs sièges. D'après cette exhortation, s'ils se refusaient à ce sacrifice commandé par le bien de l'Eglise (refus néanmoins auquel sa Sainteté ne s'attend pas), il sera pourvu, par de nouveaux titulaires, au gouvernement des évêchés de la circonscription nouvelle, de la manière suivante. ART. 4. - Le premier Consul de la République nommera, dans les trois mois qui suivront la publication de la Bulle de sa Sainteté, aux archevêchés et évêchés de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté conférera l'institution canonique, suivant les formes établies par rapport à la France avant le changement de gouvernement. ART. 5. - Les nominations aux évêchés qui vaqueront dans la suite, seront également faites par le premier Consul, et l'institution canonique sera donnée par le Saint-Siège, en conformité de l'article précédent. ART. 6. - Les évêques, avant d'entrer en fonctions, prêteront directement, entre les mains du premier Consul, le serment de fidélité qui était en usage avant le changement de gouvernement, exprimé dans les termes suivants : « Je jure et promets à Dieu, sur les saints Evangiles, de garder obéissance et fidélité au Gouvernement établi par la Constitution de la République française. Je promets aussi de n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique ; et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au préjudice de l'Etat, je le ferai savoir au Gouvernement. » ART. 7. - Les ecclésiastiques du second ordre prêteront le même serment entre les mains des autorités civiles désignées par le Gouvernement. ART. 8. - La formule de prière suivante sera récitée à la fin de l'office divin, dans toutes les églises catholiques de France : Domine, salvam fac Rempublicam ; Domine, salvos fac Consules 1. ART. 9. - Les évêques feront une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocèses, qui n'aura d'effet qu'après le consentement du Gouvernement. ART. 10. - Les évêques nommeront aux cures. Leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le Gouvernement. ART. 11. - Les évêques pourront avoir un chapitre dans leur cathédrale, et un séminaire pour leur diocèse, sans que le Gouvernement s'oblige à les doter. ART. 12. - Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la disposition des évêques. ART. 13. - Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l'heureux rétablissement de la religion catholique, déclare que ni elle, ni ses successeurs, ne troubleront en aucune manière les acquéreurs de biens ecclésiastiques aliénés, et qu'en conséquence, la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés, demeureront incommutables entre leurs mains ou celles de leurs ayants-cause. ART. 14. - Le Gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les paroisses seront compris dans la circonscription nouvelle. ART. 15. - Le Gouvernement prendra également des mesures pour que les catholiques français puissent, s'ils le veulent, faire en faveur des églises, des fondations. ART. 16. - Sa Sainteté reconnaît dans le premier Consul de la République française, les mêmes droits et prérogatives dont jouissait près d'elle l'ancien gouvernement. ART. 17. - Il est convenu entre les parties contractantes que, dans le cas où quelqu'un des successeurs du premier Consul actuel ne serait pas catholique, les droits et prérogatives mentionnés dans l'article ci- dessus, et la nomination aux évêchés, seront réglés, par rapport à lui, par une nouvelle convention. Les ratifications seront échangées à Paris dans l'espace de quarante jours. Fait à Paris, le 26 Messidor an IX. » Le pape ratifie le texte le 15 août (bulle Ecclesia Christi) ; Bonaparte signe le Concordat, le 8 septembre. Le Concordat est ratifiée par la loi du 18 germinal an X (loi du 8-4-1802 votée le 5). La publication officielle est faite le 18 avril 1802. Ce même jour, dimanche de Pâques, elle est saluée par un Te Deum à Notre-Dame de Paris. Jean-Baptiste Wicar (1762–1834), Le Concordat entre la France et le Saint-Siège. Le pape Pie VII et le cardinal Consalvi. Le Saint-Siège reconnaît la légitimité de la République et le Consulat ; le catholicisme est reconnu comme la religion de la majorité des Français ; le Domine salvam fac Rempublicam (Dieu sauve la République) doit être chanté au cours de la messe ; le culte est libre ; les évêques sont nommés par le chef de l’Etat mais investis par le pape ; les ecclésiastiques sont rémunérés par l'Etat [le nombre de diocèses sera réduit pour raison budgétaire (suppression de l’évêché du Puy, rétabli en 1823)] ; une circulaire du pape demande aux 93 évêques survivants de l'ancien régime de démissionner ; les titres primatiaux sont supprimés sauf celui de primat des Gaules porté par l’archevêque de Lyon, Mgr Fesch, oncle du premier Consul (l’archevêché de Vienne est transféré à Lyon). La Petite Eglise est fondée par les évêques de l'ancien régime qui refusent de démissionner : sur les 81 évêques réfractaires encore en vie en 1801, 38 refusent d'adresser leur démission au pape. Mais Bonaparte a rajouté unilatéralement, en annexe, 77 articles organiques gallicans que le Saint-Siège refuse de reconnaître : exigence d’une autorisation gouvernementale pour la publication et l’exécution des bulles et autres décisions de la cour de Rome ; interdiction pour les évêques de sortir du territoire de leur diocèse sans la permission du Premier consul ; procédure d’appel comme d’abus, reprise de l’Ancien Régime, permettant au gouvernement de sanctionner diverses infractions, parfois mal définies, commises par les ministres du culte dans l’exercice de leurs fonctions (et aussi, théoriquement et inversement, les attentats contre la liberté des cultes) ; obligation de conformer l’enseignement des séminaires à la doctrine de la Déclaration du clergé de 1682 ; limitations sévères à la liberté des congrégations religieuses. Le Concordat fait d’assez nombreux mécontents soit dans le clergé, et plus particulièrement parmi les prélats de l’ancien régime dépossédés de leur siège épiscopal, soit dans la population paysanne, bouleversée dans ses habitudes par la réduction du nombre des fêtes chômées, par les lois sur le mariage, les nouvelles circonscriptions des paroisses, etc. Le malaise se ressent surtout dans les régions où l’opposition royaliste au régime se fait plus forte. Le Concordat de 1801 est abrogé le 9 décembre 1905 par la Loi de séparation des Eglises et de l'Etat. - Alsace-Moselle - Le concordat de 1801 est toujours en vigueur en Alsace et dans les Pays mosellans car il n’a été abrogé ni par l'annexion allemande en 1870 ni par le retour des trois départements au sein de la République française en 1919. Le 24 janvier 1925, le Conseil d'État émit l’avis que la loi du 18 germinal an X appliquant le concordat de 1801 était toujours en vigueur. Le Concordat de Fontainebleau (1813) Le concordat de Fontainebleau, signé le 25 Janvier 1813 par Pie VII retenu prisonnier (il a été transféré secrètement à Fontainebleau en juin 1812) et Napoléon, est promulgué le 13 février : l'empereur s'engage à rendre sa faveur aux cardinaux, ecclésiastiques et laïcs en disgrâce ; le concordat délègue à l’évêque métropolitain le pouvoir pontifical de nommer les évêques ; les évêchés pourront être administrés par le plus ancien évêque de la province ; le pape renonce à sa souveraineté temporelle et promet de s’installer à Avignon ; le pape exige d’avoir près de lui le collège des cardinaux. Le pape se rétracte et annule le concordat le 24 Mars. Le Concordat de 1817 En 1817, Pie VII refuse d’approuver le nouveau concordat négocié avec les Bourbons restaurés, parce qu’il le juge trop gallican : les évêques et les abbés sont nommés par le roi. Le concordat de 1801, un moment abrogé par Napoléon (1812), restera en vigueur jusqu’en 1905. En ne revenant pas sur l’attribution des évêchés, le concordat de 1817 maintient le principal grief qui a déjà donné naissance à différents groupes de dissidents : stevenistes (Belgique), enfarinés (Aveyron), blanchardistes (Calvados), filochois (Indre-et-Loire), illuminés (Lot-et-Garonne), fasnieristes (Manche), clémentins (Seine Inférieure), purs (Montpellier), Petite Église (Lyon). Cette dernière dénomination va devenir dominante : la Petite Église compte, aujourd’hui encore, quelques groupes dans la région lyonnaise et dans l’Ouest de la France. Autre concordat entre la France et le Saint-Siège Le concordat de Bologne est signé le 18 août 1516, entre Léon X et le chancelier Antoine Duprat qui représente François Ier. Le concordat met fin à la Pragmatique Sanction de Bourges du 7 juillet 1438 édictée par Charles VII pendant le pontificat de Eugène IV (indépendance du pouvoir civil, suppression de l'Inquisition et des privilèges du Saint-Siège) et tempère le gallicanisme. Il permet la mise en place dans le Royaume de France du régime de la commende : les évêques et abbés ne sont plus élus mais choisis par le roi de France ; après avoir été investis spirituellement par le pape, ils jurent fidélité au roi de France qui leur donne leur charge temporelle. Citations Il me faut un pape qui rapproche au lieu de diviser ; qui réconcilie les esprits, les réunisse et les donne au gouvernement sorti de la Révolution pour prix de la protection qu'il en aura obtenue. Et pour cela il me faut le vrai pape ; catholique, apostolique et romain, celui qui siège au Vatican. Avec les armées françaises et des égards, j'en serai toujours le maître. Il fera ce que je lui demanderai dans l'intérêt du repos général ; il calmera les esprits, les réunira sous sa main et les placera dans les miennes. (Bonaparte, cité par Pierre Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle) De toutes les choses entreprises par Bonaparte, celle qui lui coûta le plus fut indubitablement son Concordat. (Chateaubriand 1768-1848) Note 1 "Seigneur, sauve la République ; Seigneur, sauve les consuls" Sources Auteur : Jean-Paul Coudeyrette Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur. Date de mise à jour : 25/05/2024 |