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On appelle monarchianisme les doctrines hérétiques chrétiennes des IIe et IIIe siècles, opposées à la doctrine orthodoxe de la Trinité. Ces doctrines insistent tellement sur l'unité de Dieu pour sauvegarder le monothéisme dans le christianisme, qu'elles n'admettent pas de personne divine différente du Père. Il n'y a pour elles qu'un seul principe divin, d'où leur nom issu du grec monos (= un) et archè (= principe). Un grand nombre de chrétiens ne reconnaissent dans la Trinité que trois aspects divers des rapports de Dieu avec le monde. Le théologien allemand Schleiermacher (1768-1834) considère Dieu comme la causalité absolue, se manifestant de toute éternité dans la création comme Père, dans le Christ comme Fils, dans l'Eglise comme Esprit. Les monarchiens sont divisés en deux groupes, les adoptianistes et les modalistes. Les adoptianistes, pauliniens ou paulianistes Les adoptianistes pensent que Jésus n'était pas d'origine divine et qu'il n'était qu'un homme simplement adopté par Dieu lors de son baptême. Cette doctrine est soutenue par Paul de Samosate (évêque d'Antioche vers 260) et ses disciples, les pauliniens ou paulianistes. Contré par le prêtre Malchion, il est condamné et déposé par deux synodes successifs (264-265 et 268-269). Le Liber Pontificalis nous rappelle que Félix I (pape de 269 à 274) arbitre les querelles théologiques avec l'Orient syrien. Le concile de Nicée (325) décide de rebaptiser les paulianistes (11e canon). L'hérésie adoptianiste est reprise, au VIIIe siècle, par quelques évêques d’Espagne qui ont pour chefs Elipandus (+ 799), l'archevêque de Tolède, et Félix, l'évêque d’Urgel (+818). Charlemagne les fait condamner dans des synodes tenus à Ratisbonne (792) et à Francfort (794). Félix se soumet aux décisions des conciles et du pape Adrien Ier, mais Elipand persiste dans son erreur, écrit contre son ancien ami, et se montre même insensible à une lettre que Charlemagne lui adresse pour l’amener à résipiscence ; l’hérésie tombera dans l’oubli après la mort d’Elipandus (799). Félix mourra en prison à Lyon en 818. Les modalistes De leur côté, les modalistes font du Fils et du Saint-Esprit des modes (manifestations successives) du Père. Ils considèrent notamment que Jésus ne peut être qu'une modalité de la divinité du Père. Il n'y a donc qu'une personne en Dieu et on retire ainsi au Christ toute consistance propre. Il existe 3 formes de modalisme : - celui des patripassiens (ou patropassiens) ou praxéens Le patripassianisme professe que c'est le Père qui a souffert en Jésus d'où son nom issu du latin pater, patris (= père) et passus (= souffrir). A Rome, Praxéas (qui a d'abord adopté l'hérésie de Montanus puis fait sa soumission au pape Victor Ier) enseigne que le même Dieu est à la fois le Père et le Fils, c'est-à-dire le Dieu caché et le Dieu manifesté dans le monde. Praxéas est martyrisé sous Marc-Aurèle (161-180)]. En Afrique, Tertullien combat les praxéens en 213 (Contre Praxéas) - celui des noétiens Noetus (ou Noët) de Smyrne, chassé de l'Eglise d'Ephèse parce qu'il professe la même doctrine, trouve, à Rome, dans le pape Calixte Ier un zélé sectateur de son opinion (à en croire l'antipape Hippolyte qui combat Noët et les noétiens : Contre Noët). Noët prétend être Moïse et il nomme un de ses frères Aaron. - celui des sabelliens Le sabellianisme est le nom donné au modalisme, enseigné à Rome, au début du IIIe siècle, par Sabellius, évêque de Ptolémaïs de 250 à 260, qui considère que le Père, le Fils et l'Esprit constituent autant de manifestations successives d'une réalité divine unique (une seule hypostase) révélée sous diverses formes suivant les époques. Dieu agit sous trois prosôpa (masques ou visages) successifs : il est Père, comme créateur et législateur, il est Fils, de sa naissance à sa mort sur la croix ; il est enfin l'Esprit qui sanctifie l'Eglise. Sabellius est excommunié par Calixte Ier (217-222). Le sabellianisme est combattu par Denys d'Alexandrie en 257 et condamné par le concile de Rome en 261. En 272, le synode d'Antioche déclare hérétique la formule de Sabellius : « Le fils est de même hypostase que le père ». Le sabellianisme se perpétua sous divers noms jusqu'à nos jours. Citations Jésus-Christ est en son humanité descendant de David, qui tirait son origine d'Adam, fils de Dieu et père commun de tous les hommes. Or il est impossible qu'un homme ait deux pères selon la nature ; l'un est donc naturel et l'autre adoptif ; l'adoption n'est autre chose que l'élection, la grâce, l'application par choix et par volonté, et l'Ecriture attribue tous ces caractères à Jésus-Christ. Suivant le témoignage de Jésus-Christ même, l'Ecriture nomme dieux ceux à qui la parole de Dieu est adressée ; donc, comme Jésus-Christ participe à la nature humaine, il participe aussi à cette dénomination de la divinité. Le Christ est un médiateur, un avocat auprès du Père pour les pécheurs, ce qu'on ne doit point entendre du vrai Dieu, mais de l'homme dont il a emprunté la forme. (Elipandus, cité par le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle. Pierre Larousse. 1863-1890) Les noétiens et les sabelliens voulaient croire que Dieu agissait par son Verbe, comme un architecte agit par son art : mais comme l'art dans un architecte n'est pas une personne subsistante, et n'est qu'un mode, ou un accident, ou une annexe de l'âme, comme on voudra l'appeler, ces hérétiques croyaient que le Verbe était la sagesse, ou l'idée et l'art de Dieu, de la même sorte, sans être une personne distinguée. (Bossuet 1627-1704, Avertissements aux Protestants) Sources Auteur : Jean-Paul Coudeyrette Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur. Date de mise à jour : 22/05/2024 |