PETITE HISTOIRE DE L’INQUISITION

SOMMAIRE

1. Chronologie historique 2. Procédure inquisitoriale
- Inquisition épiscopale 3. La torture
- Inquisition pontificale 4. Sentences et peines
- Inquisition espagnole 5. Repentance de l’Eglise catholique
- Chasse aux sorcières en Allemagne 6. Citations
- Affaire Galilée 7. Notes


Le pape (Sixte IV) et l'inquisiteur (Torquemada) par Jean-Paul Laurens


1. CHRONOLOGIE HISTORIQUE<

L'inquisition épiscopale

Le deuxième concile du Latran (1139) prescrit qu’il appartient aux évêques de rechercher les hérétiques, aux juges séculiers de les punir, aux rois et aux princes de prêter, sous peine de déchéance, leur concours à cette répression.
Le 4 novembre 1184, le concile de Vérone donne ordre aux évêques de rechercher eux-mêmes les hérétiques ; il fait appel aux princes et aux seigneurs pour lutter contre l’hérésie sous peine d’excommunication. Il crée une constitution qui fait des évêques les premiers inquisiteurs (du latin inquisitio = enquête) chargés de livrer au bras séculier clercs et laïcs coupables d’hérésie : "Les hérétiques doivent être jugés par l'Église avant d'être remis au bras séculier". Inversement, l'Église oblige les autorités laïques à rechercher les hérétiques, sous peine d'excommunication ou de déposition ; la bulle ad abolendam de Lucius III crée une Inquisition épiscopale, menée de manière décentralisée par les évêques, et condamne les diverses formes d'hérésie : cathares, vaudois (le prédicateur lyonnais Pierre Valdès est excommunié), patarins, arnaldistes (partisans d'Arnauld de Brescia, exécuté en 1155, qui préconisait que la papauté et le clergé renonçassent au pouvoir temporel et à leurs richesses) et humiliés (umiliati) de Lombardie (ils obtiendront en 1201 l'approbation d'Innocent III).
En 1198, une Inquisition légatine est confiée aux cisterciens par Innocent III.
Le 25 mars 1199, Innocent III publie une procédure inquisitoire contre les albigeois, exposée dans la bulle Vergentis in senium (l’hérésie est un crime de lèse-majesté divine ; l'apport du bras séculier dans la procédure inquisitoriale est confirmé) et envoie des prédicateurs dans la région d'Albi. Innocent III s’adresse au roi Émeric de Hongrie, en lui demandant de réagir contre la propagation de l’hérésie patarine (doctrine proche de celle des bogomiles de Bulgarie et de Byzance) en Bosnie.
Les premières commissions inquisitoriales composées de prêtres et de laïcs sont présentes au concile d’Avignon en 1200.
En 1207, le pape, dans une lettre aux évêques du Midi, expose pour la première fois les principes qui justifient l’extension de la croisade en pays chrétien : l’Église n’est plus obligée de recourir au bras séculier pour exterminer l’hérésie dans une région ; à défaut du suzerain, elle a le droit de prendre elle-même l’initiative de convoquer à cette œuvre tous les chrétiens, et même de disposer des territoires contaminés en les offrant, par-dessus le suzerain, comme butin aux conquérants. Cette pratique, appelée terram exponere occupantibus ou terram exponere catholicis occupandam (= livrer la terre aux occupants, ou à l’occupation des catholiques), recevra aux XVIe et XVIIe siècles le nom d'exposition en proie.
Innocent III définit la nouvelle procédure dans la décrétale Licet Heli de 1213, complétée par la décrétale Per tuas litteras.
Le quatrième concile du Latran, réuni en 1215 par Innocent III, reprend toutes les dispositions antérieures au sujet de l’inquisition (du latin inquisitio = enquête) épiscopale, notamment la procédure inquisitoire.
L’empereur Frédéric II en 1220 et 1224, le roi de France Louis VIII en 1226, la régente Blanche de Castille en 1229 et le comte de Toulouse lui-même (1229) publient des ordonnances contre les hérétiques.
Le 28 février 1227, le concile régional de Narbonne (canon 14) enjoint aux évêques d'instituer dans toutes les paroisses des témoins synodaux ou inquisiteurs de l'hérésie et autres crimes manifestes. En été, le château de Labécède-en-Lauragais (Aude), commandé par Oliver de Termes, est pris par Humbert de Beaujeu au nom du roi : le diacre hérétique Gérard de la Mole et se compagnons sont brûlés vifs.
Réuni en automne 1229, le concile de Toulouse fixe la procédure de l’Inquisition : « Les évêques choisiront en chaque paroisse un prêtre et deux ou trois laïques de bonne réputation auxquels ils feront serment de rechercher exactement et fréquemment les hérétiques ... » ; les sentences seront prononcées par l’évêque : en cas d’hérésie sans repentir, ce sera le bûcher ; en cas de repentir, la prison à vie.

L'inquisition pontificale

En février 1231, Grégoire IX confirme les décisions du concile de Toulouse de 1229 qui a fixé la procédure de l’inquisition : la constitution Excommunicamus condamne l'hérésie, excommunie les hérétiques et officialise les ordonnances du pouvoir temporel : prison à vie pour les repentants, bûcher pour les hérétiques récalcitrants ; le traditionnel appel au pape est prohibé (cet appel était déjà traditionnellement dénié dans les cas d'hérésie) ; les premiers inquisiteurs sont désignés et missionnés par le Saint-Siège : ce sont des commissaires pontificaux, spécialement chargés de lutter contre l'hérésie et censés collaborer avec les évêques. La prison perpétuelle devient la pénitence salutaire infligée à l’hérétique repentant. L’hérétique obstiné doit recevoir le châtiment qu’il mérite (animadversio debita) avec l’abandon au juge séculier et la peine de mort par le feu. Ceux qui sont en rapport avec les différentes sectes sont frappés d’excommunication. Pour la première fois, un ensemble de mesures attribue à une juridiction d’exception le châtiment des ennemis de la foi : l’Inquisition est née.
Le 11 octobre 1231, le pape charge Conrad de Marburg, de l’ordre de Prémontré, de mettre en place, dans tout l’Empire, des instances du tribunal d’Inquisition ; Grégoire IX munit l’inquisiteur allemand, de pouvoirs très étendus pour poursuivre les hérétiques, et particulièrement la secte cathare des Stedinger de Frise qui s’adonne à des pratiques proches de la sorcellerie ; avec ses auxiliaires Dorso et Jean, Conrad agit avec un tel fanatisme qu’il soulève le mécontentement d’un grand nombre d’habitants et sera massacré, le 30 juillet 1233, par des chevaliers dans le voisinage de Marburg.
Le 8 février 1232, par la bulle IIIe humani generis, Grégoire IX enlève aux évêques, trop timorés, la charge de veiller à l'orthodoxie des fidèles et met les inquisiteurs sous la juridiction spécifique de la papauté en instituant l'inquisition pontificale qu'il confie aux Frères prêcheurs ; le pape retire aux tribunaux ecclésiastiques la compétence contre les hérétiques lorsqu’un tribunal d'inquisition existe. Le 26 mai, lettre du pape à l’archevêque de Tarragone qu'il charge d’engager des inquisiteurs pour la Catalogne et pour l'Aragon. Grégoire IX, qui accuse de pratiques sacrilèges (sorcellerie, orgies, crucifixion des prêtres) les cathares du Nord, justifie une série de croisades contre les Stedinger du Bas-Weser : une première croisade, payée d’indulgences plénières, échoue.
Le 13 avril 1233, les premiers inquisiteurs sont nommés par la papauté en France parmi les Frères prêcheurs : Robert le Bougre est nommé en Bourgogne ; la juridiction nouvelle, bientôt connue sous le nom d'Inquisitio hereticae pravitatis, est étendue au royaume de France et aux régions voisines. 20 avril, la bulle Licet ad Capiendos retire aux tribunaux ecclésiastiques la compétence contre les hérétiques lorsqu'un tribunal d'inquisition existe : le pape informe les archevêques qu'il choisit les Frères Prêcheurs pour combattre l'hérésie. 22 avril, le pape confie au provincial de Provence le soin de désigner plusieurs religieux pour remplir la mission de l'Inquisition, qui doit s'appliquer également aux provinces de Vienne, Arles, Aix et Embrun ; l'archevêque de Vienne, Jean de Bernin, mettra en place, avant la fin de l'année, des tribunaux à Avignon, Montpellier et Toulouse 8. Peu après, les franciscains sont adjoints aux dominicains et leur juridiction s'étend à la chrétienté tout entière. Juin, une deuxième croisade contre les Stedinger pénètre sur le territoire oriental, resté cependant à l’écart des luttes, et se livre à un massacre général ; lors de l’attaque de la rive gauche, Oldenbourg, chef des croisés, est tué avec 200 de ses soldats. 13 juin, dans sa bulle Vox in Rama contre les sorcières, Grégoire IX décrit leur sabbat. Robert le Petit, dit Robert le Bougre, ancien adepte du catharisme [de là vient son surnom de bougre = bulgare], entré dans l’ordre des Frères prêcheurs, entreprend son action d’inquisiteur en Bourgogne et fait brûler ses premières victimes à La Charité-sur-Loire ; à la suite de plaintes du clergé et des autorités civiles, le pape ordonnera, dès février 1234, une enquête à l’issue de laquelle Robert sera condamné à la prison à vie. En juin, une deuxième croisade contre les Stedinger pénètre sur le territoire oriental, resté cependant à l’écart des luttes, et se livre à un massacre général (lors de l’attaque de la rive gauche, Oldenbourg, chef des croisés, est tué avec deux cents de ses soldats). La même année, l’évêque cathare Vigoureux de Baconia est brûlé vif : il est la première victime de l'Inquisition en France.
Le 27 mai 1234, à la bataille d’Altenesch, 6 000 Stedinger, hérétiques manichéens de Frise, sont mis à mort par une puissante armée levée pour une 3e croisade ; en 1236, Grégoire consentira à admettre les survivants dans le giron de l’Église, à la condition qu’ils offrent toutes les garanties d’une parfaite obéissance. Des tribunaux d'Inquisition, confiés aux Dominicains, sont installés à Toulouse et Carcassonne et provoquent des soulèvements populaires à Narbonne, Cordes, Albi et Toulouse (1234-1235). 210 cathares sont brûlés à Moissac par Pierre Seillan et Guillaume Arnaud. Le 14 octobre, Grégoire IX encourage la croisade contre les Bogomiles de Bosnie (fin en 1239).

En 1235, ayant voulu faire déterrer du cloître Saint-Salvy les restes de chanoines convaincus d'hérésie pour les incinérer, l'Inquisition suscite une révolte à Albi. En novembre, les dominicains sont expulsés de Toulouse.

En 1236, la béguine Aleydis est brûlée vive à Cambrai.

« Cette année-là (1239, ndlr), le vendredi de la semaine avant la Pentecôte (13 mai, ndlr), fut fait un immense holocauste agréable au Seigneur en brûlant des bougres (hérétiques cathares, ndlr) : 183 hommes et femmes convaincus d'hérésie furent brûlés par Robert le Bougre, (inquisiteur général du royaume de France, rentré en grâce en août 1235, ndlr) en présence du Roi de Navarre et des barons de Champagne au Mont-Aimé (alors Mont-Guimar ou Guimer) » 4. Robert le Bougre est relevé de ses fonctions par le pape et condamné à la prison à perpétuité.

Dans la nuit du 28 au 29 mai 1242, veille de l’Ascension, dans le château d'Avignonet, des chevaliers cathares de Montségur, viennent tuer à coups de lance, d'épée et de hache les membres du tribunal de l'Inquisition de Toulouse : les dominicains Guillaume Arnaud, Bernard de Roquefort et Garcia d’Aure, les franciscains Étienne de Saint-Thibéry et Raymond Carbonier, le chanoine Raymond de Cortisan, surnommé Escriban, archidiacre de Lezat et son clerc Bernard, le notaire Pierre d’Arnaud, les clercs Fortanier et Aymar, et le curé d’Avignonet dont le nom reste ignoré.
Le dominicain Raimond de Pennafort (Aragon) rédige, la même année, le plus ancien manuel d’inquisition.

En 1243, le concile de Béziers décide d’en finir avec l’hérésie et les assassins de moines inquisiteurs.

Le 16 mars 1244, Montségur tombe ; plus de 200 cathares, qui refusent d’abjurer, sont brûlés vifs.

Mai à juillet 1246 : condamnations de cathares à Toulouse.

Après Padern (1248) et Puilaurens (1250), les châteaux de Quéribus et de Niort-de-Sault se rendent en 1255.

Le 30 mai 1254, Innocent IV confie aux Frères mineurs la répression de l’hérésie dans toute l’Italie centrale et dans la partie orientale de la plaine du Pô ; les dominicains gardent juridiction sur la Lombardie et la Marche de Gênes.
Dans sa bulle du 11 juillet, Innocent IV ordonne que l'interrogatoire de l'accusé soit fait en présence de boni viri (prud’hommes qui forment un jury et donnent leur avis avant que soit prononcée la sentence), parce que, dit-il, pour une accusation si grave, il fallait procéder avec les plus grandes précautions.
La présence dans les tribunaux de l'Inquisition de ces conseillers laïcs, habitués aux procédures, qui peuvent s'opposer aux juges ecclésiastiques si ceux-ci s'écartent trop du droit, assure la quasi-publicité du procès.
Avant que Boniface VIII (1294-1303) n’abroge cette disposition, les noms des accusateurs ou des témoins ne sont pas communiqués aux accusés. Toutefois le juge doit communiquer le nom des dénonciateurs et des témoins à ses assistants qui doivent contrôler s'il y a des abus, et au besoin peuvent les dénoncer aux chefs religieux de l'Inquisiteur, aux évêques, voire même au pape.
En 1261, Urbain IV ordonne que les boni viri aient également ce pouvoir de contrôle. Les faux témoins lorsqu'ils sont démasqués sont traités avec une très grande sévérité. Ils font généralement de la prison à vie...

A la demande de Louis IX, Alexandre IV (1254-1261) établit des inquisiteurs en France.

Thomas d'Aquin écrit dans sa Summa theologica (Somme théologique, 1265-1273) :
"En ce qui concerne les hérétiques, il y a deux choses à considérer, une de leur côté, une autre du côté de l’Église. De leur côté il y a péché. Celui par lequel ils ont mérité non seulement d’être séparés de l’Église par l’excommunication, mais aussi d’être retranchés du monde par la mort. En effet, il est beaucoup plus grave de corrompre la foi qui assure la vie de l’âme que de falsifier la monnaie qui sert à la vie temporelle. Par conséquent, si les faux monnayeurs ou autres malfaiteurs sont immédiatement mis à mort en bonne justice par les princes séculiers, bien davantage les hérétiques, aussitôt qu’ils sont convaincus d’hérésie, peuvent-ils être non seulement excommuniés mais très justement mis à mort. Du côté de l’Église, au contraire, il y a une miséricorde en vue de la conversion des égarés. C’est pourquoi elle ne condamne pas tout de suite, mais " après un premier et un second avertissement ", comme l’enseigne l’Apôtre (Paul, ndlr). Après cela, en revanche, s’il se trouve que l’hérétique s’obstine encore, l’Église n’espérant plus qu’il se convertisse pourvoit au salut des autres en le séparant d’elle par une sentence d’excommunication ; et ultérieurement elle l’abandonne au jugement séculier pour qu’il soit retranché du monde par la mort." (Summa Theologica, Secunda Secundae Pars, Question 11, l'Hérésie, article 3)
"Or, si les hérétiques qui reviennent étaient toujours reçus de façon à demeurer en possession de la vie et des autres biens temporels, ce pourrait être au préjudice du salut des autres, parce que, s’ils retombaient, ils en gâteraient d’autres, et aussi parce que, s’ils échappaient sans châtiment, d’autres tomberaient dans l’hérésie, avec plus de sécurité. Il est dit en effet dans l’Ecclésiaste (8, 11) : " Parce que la sentence n’est pas vite portée contre le méchant, les enfants des hommes accomplissent le mal sans rien craindre. " C’est pourquoi ceux qui reviennent de l’hérésie pour la première fois, l’Église non seulement les admet à la pénitence mais aussi leur laisse la vie sauve ; et parfois, par indulgence, elle leur rend leurs dignités ecclésiastiques s’ils paraissent vraiment convertis. L’histoire nous apprend qu’elle l’a souvent fait pour le bien de la paix. Mais, quand ceux qu’on a accueillis retombent de nouveau, il semble que ce soit le signe de leur inconstance en matière de foi. C’est pourquoi, s’ils reviennent ultérieurement, ils sont bien admis à la pénitence, non pas cependant au point d’éviter la sentence de mort." (Summa Theologica, Secunda Secundae Pars, Question 11, l'Hérésie, article 4)

Lorsque l’Inquisition arrête, comme hérétique, Arnaud de Villeneuve (1235-1311), le plus célèbre des médecins de l’école de Montpellier, Boniface VIII (1294-1303) qu’il a guéri d’une lithiase rénale, intervient pour lui épargner le bûcher : néanmoins, ses traités de théologie seront, après sa mort, brûlés en place publique.

En 1270, un manuel d’Inquisition, la Summa de officio Inquisitionis, mentionne les augures et idolâtres qui s’adonnent au culte du démon.

Le 26 mars 1276, Charles d'Anjou ordonne la libération de juifs convertis et relaps arrêtés par l’Inquisition en Provence.

En 1295, Philippe IV de France limite les droits de l'Inquisition.

Benoît XI (1303-1304), sage et modéré, restreint les pouvoirs de l’Inquisition.

En 1307, les apostolici (apostoliques), retranchés dans le Valsesia depuis 1304, sont finalement capturés par l'armée conduite par les évêques de Novare et de Verceil : le 23 mars, Fra Dolcino (Dulcin) est pris ; condamné comme hérétique, il sera brûlé le 1er juin.
Le vendredi 13 octobre, des centaines (?) de Templiers sont arrêtés, leurs biens saisis, le roi fait jeter en prison leur Grand Maître Jacques de Molay. Du 19 octobre au 24 novembre, 140 chevaliers de Paris sont soumis à la torture des inquisiteurs, 137 avouent des ignominies. Le 22 novembre, devant les aveux de 137 chevaliers, Clément V ordonne aux rois et princes d’Europe d’arrêter les Templiers (bulle Pastoralis praeeminentiae). En décembre, Jacques de Molay et des dignitaires se rétractent devant deux cardinaux envoyés par le pape.

Le château de Montcaillou est détruit en 1308 : les cathares qui s’y trouvaient sont arrêtés et conduits à Carcassonne devant le tribunal de l’Inquisition.

En 1310, à Toulouse, devant l'inquisiteur Bernard Gui, 18 personnes sont brûlées sur le bûcher, 65 sont emprisonnées à vie dont 3 avec des chaînes, tandis que 20 sont condamnées à des pèlerinages vers des terres lointaines.

Le concile de Vienne (16 octobre 1311 au 11 mai 1312) décrète :
"26. Le Siège apostolique a reçu de nombreuses plaintes disant que des inquisiteurs, envoyés par lui pour supprimer l'hérésie, avaient dépassé les limites du pouvoir qui leur avait été donné. Nous décrétons donc, pour la gloire de Dieu et la propagation de la foi que cette oeuvre doit être menée conjointement par les évêques locaux et par les inquisiteurs agréés par le Siège apostolique. Nous décrétons que l'évêque diocésain et l'inquisiteur peuvent agir indépendamment d'un de l'autre. Mais l'évêque sans l'inquisiteur ou l'inquisiteur sans l'évêque ne peuvent emprisonner, soumettre à la torture ou porter une condamnation, à moins qu'ils ne puissent se joindre en moins de huit jours. Nous décrétons également que dans les prisons où seront mis les hérétiques, il y ait deux gardes principaux, discrets, diligents et dignes de foi, l'un agréé et appointé par l'évêque, l'autre par l'inquisiteur. Chaque cellule de la prison aura deux clefs différentes, une gardée par chacun des gardes. Les gardes avant d'assurer leur service devront, en présence de l'évêque et de l'inquisiteur, prêter serment sur les saints évangiles en les touchant, qu'ils mettront toute leur diligence et leur attention dans leur devoir de garder ceux qui seront placés sous leur surveillance. Un garde ne dira rien en secret à un prisonnier que l'autre garde ne puisse entendre. Nous ordonnons aux évêques et aux inquisiteurs, en vertu de la sainte obéissance au risque de l'éternelle damnation, d'agir promptement et discrètement contre ceux qui sont suspectés d'hérésie et de ne pas imputer de façon maligne un crime si grave à des innocents.
27. Nous décrétons, avec l'approbation du saint Concile, qu'on ne peut confier l'office d'inquisiteur à une personne de moins de quarante ans. Nous enjoignons les commissaires des inquisiteurs ou des évêques de ne pas extorquer d'argent ou des dons illicites sous prétexte des travaux de l'inquisition, ou tenter de s'approprier les propriétés des églises, en garantie de la faute du clergé, même sur le trésor de l'église. Si quelqu'un apprend quelque chose de ce genre et peut le prouver, il doit honnêtement le rapporter au supérieur des inquisiteurs et des commissaires, et ceux-ci seront obligés d'enlever l'office à ceux qui seront trouvés coupables et de les punir de la façon convenable
."

En 1320, meurt en détention le franciscain Bernard Délicieux (Deliciosi) qui défendit les albigeois contre l’Inquisition à Carcassonne et qu'on accusa également d’avoir empoisonné le pape Benoît XI dont il avait annoncé la mort.

Par la décrétale Cum Matthaeus, Jean XXII restreint, en 1321, les pouvoirs des inquisiteurs.

À Carcassonne, en 1330, l’inquisiteur Henri de Chamay est obligé de renoncer à des procès posthumes.

En 1336, à Erfurt, le bégard Constantin est exécuté pour avoir soutenu qu’à l’égal du Christ il était le fils de Dieu, qu'Augustin, les docteurs de l’Église, le pape et les clercs trompaient les hommes, et que les sacrements n’étaient qu’une fiction entretenue par les prêtres pour satisfaire leur cupidité.

En 1337, Guillaume d’Occam (Dialogus), excommunié et menacé d’arrestation, doit quitter Paris et s’enfuir à Pise.
La même année, on brûle le spirituel franciscain Francesco de Pistoia à Venise.

En 1340, à Aurillac, Jean de Roquetaillade, en raison de ses sympathies pour les fraticelles (franciscains hérétiques), fait l’objet d’une première mise en garde de l’Inquisition.
Arrêté à Avignon en 1349, il n’échappe au bûcher que grâce à une habile défense. Jeté en prison, il est libéré après une longue détention.
Auteur du traité De la quintessence, Jean de Roquetaillade, naquit en Catalogne et fit ses études à Toulouse où il s’initia aux travaux de l’alchimiste Arnaud de Villeneuve. Prédicateur et missionnaire franciscain spirituel, alchimiste, prophète, il parcourut l’Europe, prêchant jusqu’à Moscou. Hostile à la corruption de l’Église et à la politique du pape Jean XXII, il proclama que Rome serait dépouillée du superflu dont elle a abusé.

1402-1403 : à Lübeck et à Wismar, l’inquisiteur Schoneveld envoie au bûcher, deux apostoliques (adeptes d’un mouvement prônant le retour à l’Eglise primitive) dont les propos mêlent dolcinisme et Libre-Esprit.

Le 20 décembre 1409, le pape Alexandre V demande à l’archevêque de Prague d’arrêter par tous les moyens l’hérésie en Bohême.

En 1411, à Carcassonne, les décisions prises par l’inquisiteur Pierre de Marvejols sont remises en cause par la papauté.

Jan Hus, réformateur tchèque, enseigna la théologie à Prague et critiqua les abus du clergé de son temps. Auteur de De corpore Christi, de pure doctrine catholique, on le chassa pourtant de l'Université en 1410 puis on l'excommunia lorsqu'il s'éleva contre la décapitation de trois de ses partisans qu'il considérait et honorait comme martyrs. Jan Hus poursuivit son enseignement jusqu'en 1414 où il fut emprisonné et accusé d'hérésie.
Le concile de Constance condamne Jan Hus, son disciple Jérôme de Prague et John Wyclif (à titre posthume) comme hérétiques. Jan Hus est brûlé vif à Constance le 6 juillet 1415. En 1416, c'est le tour de Jérôme. Le cadavre de Wyclif est exhumé et brûlé en 1428 ; on jette ses cendres dans la Swift.

Le tribunal de l’Inquisition siégeant à Rouen entre le 9 janvier et le 30 mai 1431, juge Jeanne d’Arc sans qu'elle soit assistée d'un avocat et sans tenir compte de son appel au pape Eugène IV, la condamne comme relapse et la livre au bras séculier qui la fait brûler vive.

Le 7 juillet 1438, par la Pragmatique sanction de Bourges, Charles VII supprime l'inquisition en France.

En 1452, Jacques de la Marche publie son Dialogus contra fraticellos. Il réussit, avec l’aide de Jean de Capistran, à extirper l’hérésie (que Jean XXII appelait le fléau pestilentiel du fraticellianisme) par une série de procès d’extermination.
Les inquisiteurs, qui sont l’objet de tentatives d’assassinat, ne viennent à bout des fraticelles de Maiolati (1449) que par une politique de terreur et de calomnies. Rééditant l’accusation de débauche adressée jadis aux vaudois, l’enquête leur attribue le rite particulier du barilotto, où les enfants, nés des orgies collectives qui clôturaient leurs assemblées, étaient mis à mort et réduits en cendres que l’on mêlait à du vin.
Dénoncé, le franciscain Bernard Tremosii est arrêté à Lyon en 1458.

L'inquisition espagnole

En 1478, Sixte IV, dans sa bulle Exigit sincerae devotionis, autorise officiellement l’Inquisition espagnole demandée par Ferdinand V et Isabelle : « Nous apprenons que dans différentes cités de vos royaumes d'Espagne, nombre de ceux qui, de leur propre gré, avaient été régénérés en Jésus-Christ par les eaux sacrées du baptême sont retournés secrètement à l'observation des lois et coutumes religieuses de la superstition juive... encourant les pénalités prononcées contre les fauteurs de l'hérésie, par les constitutions du pape Boniface VIII. En raison des crimes de ces hommes, et de la tolérance du Saint-Siège à leur égard, la guerre civile, l'homicide et des maux innombrables affligent vos royaumes... Nous désirons donc faire droit à votre pétition et appliquer les remèdes propres à soulager les maux que vous nous signalez. Nous vous autorisons à désigner trois, ou au moins deux évêques, ou hommes éprouvés, qui soient prêtres séculiers, religieux d'ordre mendiant ou non mendiant, âgés de quarante ans au moins, de haute conscience et de vie exemplaire, maîtres ou bacheliers en théologie, ou docteurs et licenciés en droit canon, soigneusement examinés et choisis, craignant Dieu, et que vous jugerez dignes d'être nommés pour le temps présent, dans chaque cité ou diocèse des dits royaumes, selon les besoins... En outre, nous accordons à ces hommes à l'égard de tous ceux accusés de crime contre la foi, et de ceux qui les aident et les favorisent, les droits particuliers et juridictions tels que la loi et la coutume les attribuent aux ordinaires et aux inquisiteurs de l’Hérésie ».
En 1480, Sixte IV permet à Ferdinand et à Isabelle d’Aragon de nommer des inquisiteurs ; la sainte Inquisition s’installe à Séville (expulsion ou conversion forcée des juifs et des Maures, condamnations pour hérésie).
La foi des nouveaux chrétiens étant suspecte, l’Inquisition exerce une surveillance rigoureuse sur les morisques (Maures convertis) et davantage encore sur les marranes (Juifs convertis suspects de judaïser en secret). Parmi eux se recrute la majeure partie de ceux qui comparaissent dans les autodafés organisés à partir de 1481.
Au début de la cérémonie solennelle de l’autodafé (acte de foi = actus fidei), les assistants (et même le roi, s’il est présent) prêtent serment de fidélité au Saint-Office.
Les condamnés impénitents et les relaps sont remis au bras séculier, l’exécution par le feu ayant lieu ensuite en un autre endroit ; ceux qui adjurent leurs erreurs sont réconciliés et condamnés à des peines pouvant aller de la simple pénitence ecclésiastique et du port du san benito (casaque jaune croisée de rouge) à la prison perpétuelle.
Le 29 janvier 1482, la bulle Numquam dubitavimus du pape Sixte IV accorde le pouvoir à Ferdinand d'Aragon de mettre en place un tribunal inquisitoire pour extirper les hérétiques et d'interdire aux juifs de pratiquer auprès de ceux ayant été convertis.
Le 2 août 1483, Tomás de Torquemada (1420-1498), frère prêcheur et confesseur de la reine Isabelle de Castille et du roi Ferdinand d’Aragon, est nommé inquisiteur général en Castille, Léon et Aragon (17 octobre) par le pape (sa juridiction est étendue à la Catalogne en 1486). Torquemada entre en même temps dans le Conseil du roi. La même année, Ferdinand II, roi de Sicile et d'Aragon, institue le Conseil de l'Inquisition Suprême et Générale ou Conseil Royal de l'Inquisition ("la Suprema") dont le Grand Inquisiteur ou Inquisiteur Général, nommé par le roi, est président de droit ; bien que, sous l'autorité théorique des monarques espagnols, le Grand Inquisiteur, en tant que représentant du pape, ait la haute main sur l'ensemble des tribunaux inquisitoriaux et qu'il puisse nommer, avec l'approbation du roi, des inquisiteurs de son choix, responsables devant lui. Les tribunaux d'inquisition espagnols sont à la fois des tribunaux d'Eglise et des tribunaux royaux (séculiers). La fonction de Grand Inquisiteur est la seule fonction publique dont l'autorité s'étend à tous les royaumes composant l'Espagne, constituant ainsi un relais utile pour le pouvoir des souverains 1. Torquemada réorganise l’Inquisition, avec quatre tribunaux importants et une Cour d’appel, où il siège. Il se montre si impitoyable qu’il suscite la réprobation de Sixte IV.
Le 29 octobre 1484, avec l'accord des souverains, Tomas Torquemada fait paraître un Code spécial, à l’usage des tribunaux de l’Inquisition en Espagne, pour agir contre les juifs, les morisques, les hérétiques et les gens coupables de sorcellerie, de bigamie, d’usure, etc. Un nombre impressionnant de suspects sont poursuivis, parmi lesquels plus de 2 000 sont exécutés.
Torquemada est l’un de ceux qui conseillent à Ferdinand et à Isabelle d’expulser les morisques de leurs États, ce qui sera fait en 1492.
A la parution du décret du 30 mars 1492, les Juifs doivent choisir entre le baptême et l’exil. A partir de 1501, la même mesure est appliquée aux Maures.
En 1494, âgé et malade, Torquemada se retire à Ávila où il meurt.
Contre les illuminés (les alumbrados qui voient dans l’amour charnel la réalisation de l’amour divin) et les érasmiens, l’Inquisition engage, après 1525, des poursuites qui aboutissent généralement à des condamnations modérées.
Lorsque, au début du règne de Philippe II, sont découverts, à Séville et Valladolid, des noyaux protestants, la réaction est brutale : les autodafés organisés dans les deux villes en 1559 et 1560 font périr plusieurs dizaines de personnes, tandis que l’archevêque de Tolède est lui-même emprisonné comme suspect d’hérésie. Sainte Thérèse et saint Jean de la Croix, à cause de leur pensée trop mystique, sont inquiétés ; surtout Jean de la Croix qui est privé de toute charge et envoyé dans le lointain monastère de la Peñuela, en pleine montagne.
Le 2 décembre 1808, Napoléon, en Espagne depuis le 5 novembre, supprime le tribunal de l'Inquisition (décrets de Chamartin).
Ferdinand VII abolit l’inquisition le 9 mars 1820 ; mais elle ne le sera définitivement que le 15 juillet 1834 par le gouvernement de la régente Marie-Christine.

La chasse aux sorcières en Allemagne

Le 5 décembre 1484, Innocent VIII, par la bulle Summis desiderantes affectibus, étend les pouvoirs des deux inquisiteurs de Cologne, les dominicains Henri Institoris (Heinrich Kramer de Sélestat) et Jakob Sprenger, officiant dans la Germanie supérieure entre Cologne et Mayence, et en butte à la mauvaise volonté des autorités locales.
La bulle ordonne de pourchasser les coupables de sorcellerie, jeteurs de sorts et magiciens, et énumère une longue liste de leurs crimes : « En certaines régions de la Germanie supérieure comme dans les provinces, cités et territoires de Mayence, Cologne, Trèves, Salzbourg et Brême, maintes personne de l'un et l'autre sexe, oublieuses de leur propre salut et déviant de la foi catholique, se sont livrées elles-mêmes au démons, succubes et incubes : par des incantations, des charmes, des conjurations, d'autres infamies superstitieuses et des sortilèges, par leurs excès, crimes et délits, elles font périr et détruisent les enfants des femmes, les petits des animaux, les moissons de la terre, les raisins des vignes, les vergers, les prairies, les pâturages, les blés, les grains, les légumes. Elles affligent et torturent les hommes, les femmes, les bêtes de somme, le gros et le petit bétail, tous les animaux par des douleurs et des tourments internes et externes. Elles empêchent les hommes de féconder, les femmes de concevoir, les époux de rendre à leurs épouses et les épouses de rendre à leurs époux les devoirs conjugaux. Et la foi elle-même, qu’elles ont reçue en recevant le saint baptême, elles la renient d’une bouche sacrilège. Elles ne craignent pas de commettre [...] d’autres crimes et excès infâmes, à l’instigation de l’Ennemi du genre humain, au péril de leurs âmes, en offense à la majesté Divine, en exemple pernicieux et au scandale de la plupart des gens. »
Les chasseurs de sorcières ont les pleins pouvoirs : celles qui ne meurent pas sous la torture, sont noyées lors du jugement de Dieu ou brûlées sur le bûcher.
En 1486, les dominicains Heinrich Kramer, de Sélestat, dit Institoris, et Jakob Spenger, publient à Strasbourg, avec l’approbation du pape, un traité de démonologie, le Malleus maleficarum (= le Marteau des Sorcières ... pour les écraser).

Le 30 septembre 1486, le pape Innocent VIII ordonne à l'évêque de Brescia d'enjoindre aux tribunaux séculiers de Lombardie d'exécuter les jugements de l'inquisition sans appel, et sans les revoir nullement, dans le terme de 6 jours après qu'ils en auront été légitimement requis, sous peine d'excommunication.

En 1487, Innocent VIII lance contre les vaudois (qui prêchent la pauvreté) une croisade en Dauphiné et en Savoie.

En 1494, le Repertorium inquisitorum reprend l’essentiel du Directorium d'Eymerich.

Le 19 mai 1498 s’ouvre le procès du dominicain Jérôme Savonarole qui prêchait contre une société dégénérée recherchant le profit, le luxe et la gloire, et qui dénonçait les dépravations dont souffrait l’Église (d’abord excommunié par Alexandre VI le 12 mai 1497 puis condamné au bannissement, il avait été arrêté à la suite d’un mouvement populaire suscité par l’aristocratie florentine). Le tribunal, composé de 18 membres, est présidé par le maître général des dominicains et un nonce apostolique. Torturé, Savonarole avoue tout ce qu’on voulait. Le 23 mai, Savonarole est déclaré hérétique et schismatique et condamné à mort avec deux disciples : on les pend sur-le-champ, leurs corps sont brûlés en public et leurs cendres jetées dans l’Arno.

En 1499, à Cordoue, 107 hérétiques sont livrés au bûcher en une seule fois

En 1509, le Grand Conseil du Parlement de Grenoble casse des sentences de l’Inquisition.

Le 1er juillet 1523, à Bruxelles, Henri Voes et Jean Van Essem, moines augustins partisans de Luther, condamnés à mort par l’Inquisition, sont brûlés vifs.
Un autre moine augustin, Jean Vallière, subit le même sort à Paris la même année.

Le 17 décembre 1531, le pape Clément VII crée l'Inquisition portugaise : Diogo da Silva, confesseur du roi Manuel Ier, est nommé Inquisiteur général.
Le 23 mai 1536, Jean III du Portugal crée une Inquisition d’État chargée de poursuivre les hérétiques.

Le 2 novembre 1540, le Saint-Office institue au Portugal la censure préventive qui est confiée à trois dominicains. 7

Le 21 juillet 1542, par la bulle Licet ab initio, Paul III (sous l’impulsion du cardinal Carafa) crée la Congrégation de la Sainte, Romaine et Universelle Inquisition ; six cardinaux dont l’impitoyable Carafa (futur Paul IV) furent nommés inquisiteurs généraux.

1547 :
- Paul III accorde un tribunal de l’Inquisition au roi du Portugal Jean III (en 1750, Carvalho e Melo, marquis de Pombal, premier ministre, interdira les autodafés et retirera tous droits à l’Inquisition).
- Pour que les charges ecclésiastiques et étatiques soient réservées à ceux qui sont descendants de chrétiens et non de Maures ou de conversos (juifs convertis), l’Archevêque de Tolède, Juan Martinez Siliceo, fait accepter un Statut de Limpieza (pureté raciale), apparu à la fin du XVe siècle, pour tous les ecclésiastiques de la cathédrale ; un certificat de limpieza est délivré par l’inquisition ; le mouvement s’étend rapidement ; la limpieza est exigée pour toutes les charges d’état, et même pour certaines professions traditionnellement exercées par les juifs ; est réputé pur un sang où ne se mêle aucune hérédité juive (on remonte en pratique jusqu’aux grands-parents) ; en 1835, le Statut de Limpieza sera aboli, mais, jusqu’en 1865, le certificat continuera à être présenté par les aspirants officiers de l’armée et par les candidats à certaines hautes charges de l’état.

En 1555, Paul IV, inquisiteur suprême, relance l’Inquisition.
Le 17 août 1559, à la demande de l'Inquisition, il publie l’Index librorum prohibitorum qui recense les livres interdits ; l'Index est confirmé en 1564 et la Congrégation de l'Index est instituée en 1571.

Le 25 janvier 1569, le roi Philippe II d'Espagne établit l'Inquisition dans le Nouveau Monde afin de pourchasser les marranes, juifs convertis de force, qui y sont en exil ; le premier tribunal du Saint-Office est érigé à Lima au Pérou.

En 1570, Pie V décide de soustraire les Amérindiens à la juridiction de l'Inquisition.

Le 19 décembre 1579, l’Inquisition obtient le pouvoir de confiscation au Portugal 6.

Le 1er juin 1581, le motu proprio Antiqua Judaeorum improbita de Grégoire XIII autorise les inquisiteurs à procéder librement contre certains cas d'hérésie, condamne quelques pratiques des juifs et interdit de nouveau le Talmud.

En 1599, dans Six livres de discussions magiques, le jésuite Martin Del Rio affirme qu’en matière de sorcellerie, tous les témoignages sont acceptables pour soumettre un suspect à la torture.

A Rome, le 17 février 1600, Giordano Bruno, d’inspiration néo-platonicienne et panthéiste, qui soutient l’héliocentrisme de Copernic et pour lequel l'infini recèle une pluralité de mondes, condamné à mort par le Tribunal de l’Inquisition, est brûlé vif après qu’on lui a arraché la langue pour les affreuses paroles qu’il a proférées. Ceux qui assistent à l’exécution bénéficient d’indulgences.

En 1631, un jésuite allemand, Friedrich Spee von Langenfeld (1591-1635) publie anonymement sa Cautio Criminalis dans laquelle il dénonce les procès en sorcellerie illégitimes et inhumains, la torture brutale et l’extermination systématique d’innocents : des malheureuses, qui n'ont de sorcières que le nom, sont arrêtées, emprisonnées, torturées et condamnées au bûcher que pour avoir été accusées par d'autres inculpés eux-mêmes soumis à d'effroyables tortures. Quand il publie en 1632 une seconde version plus critique que la première, il perd la protection de la Compagnie de Jésus qu’il doit quitter.

L'affaire Galilée

Le 24 avril 1611, Galilée est reçu chaleureusement à Rome par le pape Paul V et le Collège romain des Jésuites qui approuve ses travaux ; le Collège romain confirme au cardinal Robert Bellarmin que les observations de Galilée sont exactes. Le 16 février 1616, Galilée est convoqué par le Saint-Office pour l'examen des propositions de censure ; les 25 et 26 février, la censure est ratifiée par l'Inquisition et par le pape Paul V ; Galilée n'est pas inquiété personnellement mais est prié d'enseigner sa thèse en la présentant comme une hypothèse ; par un monitum (avertissement), le cardinal Bellarmin demande à Galilée d'abandonner entièrement l'opinion sur le soleil centre du monde et immobile, et, en ce qui concerne le mouvement de la Terre, de ne plus l'exposer, ni l'enseigner, ni le défendre en quelque manière que ce fût, sous peine de se voir intenter un procès devant la sainte Inquisition ; Galilée accepte, il est reçue avec bienveillance par Paul V qui lui fera délivrer en mai l’attestation qu’il n’y a pas eu lieu de le condamner. Le 5 mars 1616, un décret de la Sainte Inquisition met les œuvres de Copernic à l’Index et interdit de soutenir les thèses coperniciennes, encore moins de les enseigner ; le décret est affiché dans les universités. Le 21 février 1632, Galilée, protégé par le pape Urbain VIII et le grand-duc de Toscane Ferdinand II de Médicis, petit-fils de Christine de Lorraine, fait paraître à Florence son Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo (Dialogue sur les deux grands systèmes du monde), ouvrage où il raille sensiblement le géocentrisme de Ptolémée et dans lequel Urbain VIII se reconnaît sous les traits de Simplicio, l’aristotélicien trop soucieux de défendre la tradition ; Urbain VIII confie à Niccolini, ambassadeur de Toscane au Vatican et protecteur de Galilée : « Je l’ai traité mieux qu’il ne m’a traité, car il m’a trompé ». Début août, l'ouvrage est soumis à une commission extraordinaire. En octobre, Galilée est convoqué devant la sainte Inquisition pour répondre de son livre sous l’accusation de sérieuse suspicion d'hérésie. Cette charge repose sur un monitum (avertissement) selon lequel il a été ordonné personnellement à Galilée, en 1616, d'abandonner ses théories et de ne plus les exposer ni enseigner de quelque manière que ce soit. Le pape Urbain VIII, influencé par les dominicains, ces chiens de garde (Domini canes) comme ils se nomment eux-mêmes par jeu de mots, croit que Galilée se moque de lui et il s’emporte contre son ami le savant.
Le 13 février 1633, Galilée arrive à Rome où, invoquant la maladie et des empêchements, il parvient à retarder sa comparution devant l’Inquisition jusqu’au 12 avril.
Le 22 juin 1633, au terme de son procès commencé le 12 avril, Galilée est jugé pour avoir transgressé le monitum de 1616 (avertissement par lequel il s’était engagé à abandonner entièrement l'opinion sur le soleil centre du monde et immobile, et, en ce qui concerne le mouvement de la Terre, de ne plus l'exposer, ni l'enseigner, ni le défendre en quelque manière que ce soit) et obtenu l’imprimatur par tromperie (Mgr Riccardi, chargé d’examiner le Dialogue des grands systèmes, n’a eu connaissance que de la préface et de la conclusion habilement rédigées). Galilée présente un certificat signé par feu le cardinal Bellarmin stipulant qu'il n'est plus soumis à aucune restriction autre que celle appliquée à tout catholique romain.
Galilée est condamné à la récitation des 7 psaumes de la pénitence quotidiennement pendant trois ans (les psaumes seront récités, à sa place, par sa fille religieuse carmélite), à l’abjuration du système héliocentrique de Copernic (il se rétracte à genoux et signe son abjuration) et à la détention pour une durée limitée au gré du Saint-Office. Le pape l'assigne à résidence au palais de l'ambassadeur du duc de Toscane. Il l'autorise ensuite, le 30 juin, à se rendre à Sienne au palais de son ami l'archevêque Piccolomini, puis, il lui permet, en décembre, de demeurer jusqu’à la fin de sa vie dans sa villa d’Arcetri, près de Florence.
Le Dialogue est interdit et mis à l’index le 23 août 1634.
De 1634 à 1642, Galilée écrit beaucoup de lettres et un livre : Dialogues sur la science nouvelle. Il reçoit de nombreux savants dont le mathématicien Viviani qui édite ses oeuvres complètes. Son élève Torricelli vient s'installer près de chez lui.
Galilée meurt le 8 janvier 1642 ; l’Eglise interdit des funérailles publiques.
Le 31 octobre 1992, lors de son discours aux participants à la session plénière de l’Académie pontificale des sciences, le pape Jean-Paul II réhabilite moralement Galilée, qualifiant Galilée de physicien de génie et de croyant sincère, évoquant une tragique et réciproque incompréhension et une bonne foi de tous les acteurs du procès en l’absence de documents extraprocessuels contraires ; le pape cite le cardinal Poupard, président de la commission d’étude du cas Galilée, qui a déclaré : « Il nous faut reconnaître loyalement les torts causés ». Mais Galilée n'est pas réhabilité juridiquement puisqu'il n'y a pas eu de révision de son procès.
En 2009, le Vatican s'associe à l’Année mondiale de l’astronomie à l’occasion du 4e centenaire de la première utilisation de la lunette astronomique de Galilée.

Le 17 mars 1658, à Palerme, Diego La Matina, religieux italien, est brûlé vif après avoir écrit un livre condamné pour hérésie, tué un inquisiteur et refusé de rallier l'orthodoxie catholique.

Du 27 mai 1674 au 22 août 1681, l’inquisition est suspendue au Portugal par le pape Clément X suite à l’intervention du jésuite Antonio Vieira.

Clément XIV (1769-1744), hostile à la philosophie des lumières, réactive l’Inquisition.

Le 16 avril 1791, le comte de Cagliostro (Joseph Balsamo), franc-maçon (fondateur du Rite de Misraïm en 1788), alchimiste, spirite, médium et hypnotiseur, est condamné par l’Inquisition romaine à la prison perpétuelle pour sacrilège, hérésie, démonisme et complot.
Il meurt le 28 août 1795 dans la forteresse Saint-Léon ; certains prétendent qu’il a été étranglé sur ordre du pape Pie VI.

1820 :
- Le 7 mars 1820, le soulèvement, lancé par le colonel Riego à Cadix le 1er janvier, contraint le roi d’Espagne, Ferdinand VII, à adopter un régime constitutionnel et à abolir l’Inquisition (elle ne sera définitivement abolie que le 15 juillet 1834 par sa veuve, la régente Marie-Christine).
- Le 9 juin, l'Inquisition est abolie en Nouvelle-Espagne.

Le 31 mars 1821, le conseil du roi du Portugal, Jean VI, décrète la suppression du Tribunal de l’Inquisition.

En 1829, sous la Restauration, Etienne-Léon de Lamothe-Langon publie une "Histoire de l’Inquisition en France" dans laquelle, affirmant avoir travaillé à partir de documents inédits tirés des archives ecclésiastiques de Toulouse, il décrit avec force détails les crimes imputables aux tribunaux inquisitoriaux, alignant noms de victimes, dates et lieux : dans les années 1970, deux historiens britanniques, Norman Cohn et Richard Kieckhefer, examinèrent la thèse de Lamothe-Langon à partir de ses sources originales : quelle ne fut pas leur surprise de constater que les archives en question n’avaient jamais existé ! « Le texte de Lamothe-Langon, raconte Didier Le Fur, est aujourd’hui considéré comme une des plus grandes falsifications de l’histoire ».

En 1908, la Congrégation de la Sainte Inquisition devient la Congrégation du Saint-Office (Sanctum Officium).

En 1917, le Saint-Office interdit le spiritisme : « Le 24 avril 1917, en séance plénière, aux Eminentissimes et Révérendissimes Seigneurs Cardinaux, Inquisiteurs généraux de la Foi et des Mœurs, on a demandé : « S'il était permis, par médium, comme on les appelle, ou sans médium, en usant ou non d'hypnotisme, d'assister à quelque manifestation spirite que ce soit, même présentant un aspect d'honnêteté ou de piété, soit en interrogeant les âmes ou esprits, soit en écoutant les réponses, soit comme observateurs, même avec l'affirmation, tacite ou exprimée, de ne vouloir aucun commerce avec les esprits malins ». Les Eminentissimes et Révérendissimes Pères ont répondu NON, sur tous les points. Le 26 du même mois, S.S. Benoît XV a approuvé la résolution des Eminents Pères qui lui avait été soumise ».

Le 7 décembre 1965, la Congrégation du Saint-Office est rebaptisée Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi par Paul VI.

Le 11 septembre 2011, le P. Federico Lombardi, directeur du bureau de presse du Saint-Siège, déclare sur Radio-Vatican, à l’occasion du dixième anniversaire de l’attentat du 11 septembre à New York : "Si nous voulons construire la paix en notre humanité, nous devons réussir à tenir un discours où la dimension religieuse devient une force active en faveur de la paix. Il s’agit de parler de Dieu de façon à ne pas alimenter le fanatisme [...] D'où la relation souvent exprimée par Benoît XVI entre foi et raison. Notre engagement consiste à réussir à évoquer Dieu en termes de référence commune pour la famille humaine, de valeurs humaines partagées, de fondement à la paix, de respect et d’amour, et non comme un élément de fanatisme et de haine." 5


2. LA PROCEDURE INQUISITORIALE

La procédure inquisitoriale se composait de six parties : le temps de grâce, l'appel et la déposition des témoins, l'interrogatoire des accusés, la sentence de réconciliation des hérétiques repentants et de condamnation des entêtés, et enfin l'exécution de la sentence.
Tout d'abord, lorsqu'une hérésie se déclarait dans une région l'inquisiteur s'y rendait avec le personnel de son tribunal. Ensuite, il visitait les autorités civiles pour s'assurer de leur protection et de leur concours (sous peine de sanction).
Puis, l'inquisiteur promulguait deux édits : l'édit de foi qui ordonnait sous peine d'excommunication de dénoncer les hérétiques et leurs complices, et l'édit de grâce qui donnait un délai de 15 à 30 jours aux hérétiques pour obtenir le pardon s'ils se dénonçaient eux-mêmes spontanément.
Parmi les gens recherchés, il y avait les hérétiques (les chefs des sectes), les croyants (les fidèles des assemblées hérétiques), les suspects (ceux qui avaient témoigné du zèle pour les hérétiques), les celatores (ceux qui s'étaient engagés à ne pas dénoncer les hérétiques), les receptores (ceux qui avaient au moins deux fois hébergé des hérétiques pour les protéger, eux ou leur réunion), les defensores (ceux qui avaient pris la défense des hérétiques en parole ou en acte contre l'Inquisition), les relaps (ceux qui après avoir abjuré retombaient dans l'erreur).
Le suspect, interrogé par l’inquisiteur ou un de ses collaborateurs, devait s’engager par serment à révéler tout ce qu’il savait sur l’hérésie. Un notaire, en présence de témoins, recueillait les éléments de l’interrogatoire, mais en retenant seulement la substance des réponses, ce qui paraissait exprimer le mieux la vérité. Toujours rédigé en latin, le texte, traduit en langue vulgaire, était ensuite lu à l’accusé qui devait s’en remettre à la volonté des inquisiteurs.
Pour faire avouer les récalcitrants, de nombreux moyens de contrainte pouvaient être employés, en dehors même de la torture, considérée comme licite après le milieu du XIIIe siècle : convocations nombreuses, incarcération plus ou moins confortable, recours à des délateurs. À défaut d’aveux, la preuve de l’hérésie était administrée par des témoins.
Les Inquisiteurs, choisis avec précaution, étaient, du fait de leur appartenance à des ordres religieux, sous la surveillance de leur supérieur et devaient avoir un minimum de 40 ans. De plus, les membres qui composaient les tribunaux se devaient les uns les autres la correction fraternelle, afin de limiter tout abus. Contre celui qui ne tenait pas compte des observations qui lui étaient faites, les membres des tribunaux pouvaient faire appel au pape.
Le dominicain Bernard Gui (inquisiteur de 1307 à 1323), dans son Manuel Practica Inquisitionis haereticae pravitatis (1324), nous montre le modèle de l'inquisiteur : « Parmi les difficultés et les incidents contraires, il doit rester calme, ne jamais céder à la colère et à l'indignation. Il doit être intrépide, braver le danger jusqu'à la mort ; mais, tout en ne reculant pas devant le péril, ne point le précipiter par une audace irréfléchie. Il doit être insensible aux prières et aux avances de ceux qui essaient de le gagner ; cependant, il ne doit pas endurcir son cœur au point de refuser des délais ou des adoucissements de peines, suivant les circonstances et les lieux... Dans les questions douteuses, il doit être circonspect, ne pas donner facilement créance à ce qui paraît probable et souvent n'est pas vrai ; car ce qui paraît improbable finit souvent par être la vérité. Il doit écouter, discuter et examiner avec tout son zèle, afin d'arriver patiemment à la lumière. Que l'amour de la vérité et la pitié, qui doivent toujours résider dans le cœur d'un juge, brillent dans ses regards afin que ses décisions ne puissent jamais paraître dictées par la convoitise et la cruauté ».
En 17 ans de carrière, Bernard Gui (ou Guidonis +1331) prononça 930 jugements dont 42 condamnations à mort et commua environ deux peines sur cinq.
On lit dans le manuel de Bernard Gui que les accusés étaient privés d'avocat. On trouve cependant des exemples de procès où des avocats ont pu plaider la cause de l'accusé. Contredisant Bernard Gui, Nicolas Eymeric écrivit, dans son Manuel de l'Inquisition, qu’on ne doit pas enlever aux accusés les défenses de droit mais leur accorder un avocat.
"Une décrétale d'Innocent III (pape de 1198 à 1216), incorporée dans le droit canonique, avait interdit aux avocats et aux greffiers de prêter leur concours à des hérétiques [...] ainsi que de plaider pour eux devant les tribunaux. Cette interdiction qui, dans l'esprit du pape, ne concernait sans doute que les hérétiques endurcis et reconnus tels, fut bientôt étendue aux simples suspects qui luttaient pour établir leur innocence [...] on peut douter qu'un avocat quelconque soit jamais intervenu devant le tribunal inquisitorial. La terreur qu'il inspirait est clairement attestée [...]". 2
Le dominicain Nicolau Eymerich, inquisiteur général de Catalogne pendant 40 ans, fit paraître, en 1376, à la cour papale d’Avignon où il exerçait les fonctions de chapelain de Grégoire XI, un Manuel des inquisiteurs (Directorium inquisitorum).
"[...] comme les défenses de l'accusé semblent être de droit naturel, on doit encore laisser au criminel la liberté d'employer celles qui sont légitimes et de droit. Les principales sont l'intervention d'un avocat que l'accusé puisse consulter ; la récusation des témoins, lorsqu'il parvient à deviner qui sont ceux qui ont déposé contre lui ; la récusation de l'inquisiteur et l'appel. On ne donne d'avocat à l'accusé que lorsqu'il nie les crimes dont on l'accuse, et cela après avoir été averti par trois fois de confesser la vérité. L'avocat doit être plein de probité, savant et zélateur de la foi. Il est nommé par l'inquisiteur [...]" 3
Le Manuel des inquisiteurs (Directorium inquisitorum), réédité cinq fois par Rome entre 1578 et 1607, décrit soigneusement les procédures et les techniques d'interrogatoire : « Lorsque l'inquisiteur a affaire à un hérétique retors, audacieux, rusé, qui élude les questions et tergiverse, il doit lui rendre la pareille et user de ruse afin d'acculer l'hérétique à dévoiler ses erreurs [...] Et lorsque l'accusé sera face à l'accusateur et que celui-ci s'apercevra que l'accusé ne veut toujours pas avouer, l'inquisiteur lui parlera calmement. Il lui tiendra ce type de langage : "Tu vois, j'ai pitié de toi. On a abusé de ta simplicité, et tu vas perdre ton âme à cause de la bestialité d'un autre. Bien sûr, tu es un peu coupable! Mais ceux qui t'ont égaré le sont bien davantage !"[...] Si l'hérétique s'en tient à ses dénégations, l'inquisiteur feindra d'avoir à partir pour longtemps, et il dira à peu près : "Vois-tu, j'ai pitié de toi [...] Tu ne veux pas avouer, et voilà que tu m'obliges ainsi à te garder en prison jusqu'à mon retour... Ça me fait de la peine, tu sais, car je ne sais pas quand je reviendrai. »
Le défaut d'informations préalables, le secret de quelques interrogatoires et l'absence de défenseurs, relevés comme autant de vices de forme par quelques historiens, étaient autant de points réglés par les seize décrets du concile de Toulouse de 1229 et le code inquisitorial. Suivant une décrétale, en matière de foi, la procédure devait s'effectuer d'une manière simplifiée et directe, sans vacarme d'avocats ni figure de jugement. Le secret de quelques interrogatoires n'était pas non plus un vice de forme, puisque, d'après le code inquisitorial, toute la procédure pouvait être secrète, et quant au défaut d'informations, les juges étaient dispensés d'informer toutes les fois qu'il y avait notoriété, cri public.


3. LA TORTURE

Bernard Gui ne mentionne que très rapidement la torture dans son Manuel. Quant à Nicolas Eymeric, il estime que celle-ci est trompeuse et inefficace.
Les procès-verbaux du Midi de la France où l'Inquisition eut une grande activité ne la mentionnent que rarement. Il en est de même de l'Inquisition de Provence et du nord de la France.
La torture était utilisée dans une certaine mesure et dans certaines conditions.
Elle ne devait ni provoquer la perte d'un membre, ni entraîner la mort de l'accusé.
Les manuels d'Inquisition précisent que la question ne devait être infligée que dans des cas graves, lorsque les préventions de culpabilité étaient fort sérieuses et quand tous les autres moyens d'investigation étaient épuisés.
L'Inquisition n'a pas inventé la torture : elle existait déjà dans les procédures laïques.
L'Eglise exprima pendant longtemps son hostilité vis-à-vis de l'utilisation de la torture par les tribunaux laïcs.
Nicolas Ier (800-867) fit part de son désaccord en déclarant que ce moyen d'enquête n'était admis ni par les lois humaines, ni par les lois divines ; car l’aveu doit être spontané.
Au XIIIe siècle, la justice séculaire rétablit cette pratique. L'Inquisition l'adopta aussi.
Le 15 mai 1252, Innocent IV l’autorisa pour provoquer des aveux spontanés (bulle Ad extirpenda).
Les papes Alexandre IV (+1261) et Urbain IV (+1264) firent de même.
Clément V, en 1312, au concile de Vienne, promulgua les constitutions Multorum querela et Nolentes qui exigeaient la collaboration des inquisiteurs et des évêques pour tous les actes importants de la procédure ainsi que pour la mise à la torture, la promulgation des sentences et la gestion des prisons.
En 1662, sous le pontificat d'Alexandre VII, une Instructio du Vatican dénia force de preuve aux aveux arrachés sous la torture.



4. SENTENCES ET PEINES

Les débats étant terminés, la défense ayant dit son dernier mot, il n'y avait plus qu'à prononcer la sentence. Pour ce faire l'inquisiteur prenait avis de ses associés, ainsi que des boni viri.
La sentence était proclamée lors d'une assemblée solennelle et publique que l'on appelait sermo generalis ou auto da fe (dans la péninsule ibérique). Là, on y réfutait l'hérésie, on prêchait sur la foi et sur le grave danger de l'erreur.
Les hérétiques qui avaient accompli leur pénitence ou en avaient obtenu remise étaient rendus à la liberté.
Ceux qui venaient d'être condamnés à ces mêmes pénitences les entendaient proclamer, puis ils abjuraient.
Les sentences qui comportaient des peines afflictives étaient lues avant que les hérétiques soient livrés à l'autorité civile, c'est-à-dire condamnés à payer des amendes, à faire de la prison ou à être mis à mort.
On alla jusqu’à condamner des hérétiques défunts : les cadavres étaient exhumés et jugés puis on les traînait dans les rues avant de les brûler.
La peine du feu n'est pas d'origine inquisitoriale. On entend souvent dire qu'elle était utilisée par superstition pour chasser l'hérésie, c'est faux : le bûcher servait déjà à la justice laïque.
L'Eglise interdisait formellement que le condamné subît des supplices accessoires comme la dislocation, l'application de fers rouges ou la mutilation d'un membre avant son arrivée sur le bûcher.
Comme le rôle de l'Inquisition était surtout de remettre les égarés dans le droit chemin, les inquisiteurs préféraient les peines canoniques aux peines civiles.
Ces peines canoniques étaient les seules infligées à ceux qui avaient comparu pendant le temps de grâce. On comptait parmi elles : l’assistance à la messe paroissiale, la fustigation au cours de la messe, les visites aux églises, les pèlerinages, les prières, les jours de jeûne, l’entretien d’un pauvre, le port d'un vêtement de pénitent ou le port de la croix d’infamie sur les vêtements, les dons en numéraire aux églises (pour l'achat d'un calice par exemple)…
Ceux qui s'étaient rendus coupables de fausses accusations étaient marqués par deux bandes d'étoffe rouge cousues sur l'extérieur de leur vêtement.
Les juges de l'Inquisition pouvaient accorder des dispenses aux prisonniers, commuer leurs peines ou les atténuer.


5. REPENTANCE DE L'EGLISE CATHOLIQUE

L’Eglise catholique déclara en 1968 que Galilée n'aurait pas dû comparaître devant le tribunal de l’Inquisition.
Le 31 octobre 1992, Galilée et ses juges furent absous par Jean-Paul II.

Le 12 mars 2000, au cours d’une cérémonie pénitentielle à Rome, le pape Jean-Paul II demanda solennellement pardon pour les fautes commises dans le passé par les fils de l’Eglise catholique, qui se sont parfois livrés à des méthodes d’intolérance, souillant ainsi le visage de l’Eglise ; 6 cardinaux énumérèrent les péchés des chrétiens contre l’Evangile, contre l’unité du christianisme (schismes, excommunications), contre le service de la vérité (croisades, inquisition), contre les juifs (persécutions, mépris, silences), contre les droits des peuples (esclavagisme), des cultures et des autres religions (guerres de religion), contre la dignité de la femme et la justice sociale ; le pape conclut : « Jamais plus d’atteintes à la charité dans le service de la Vérité ; jamais plus de gestes contre la communion de l’Eglise ; jamais plus d’offense envers quelque peuple que ce soit ; jamais plus de recours à la violence ; jamais plus de discriminations, d’exclusions, d’oppressions, de mépris des pauvres et des petits ».
Le 15 juin 2004, Jean-Paul II autorisa la publication des actes d’un symposium de théologiens et d’historiens tenu sur l’Inquisition, un dossier de 783 pages dans lequel le pape manifestait le repentir de l’Eglise romaine.


6. CITATIONS

Votre Majesté n'a pas d'idée de la détestable inquisition qu'on exerce sur tous les ouvrages, et des mutilations intolérables qu'on fait essuyer à tous ceux qu'on croit capables de dire quelques vérités. (Jean le Rond d'Alembert, Lettre au roi de Prusse, 9 avril 1773)

Souvenez-vous, mes filles, que le mieux est l’ennemi du bien. Si l’on voulait trop exiger de certaines personnes, on gâterait tout. Jamais les outrances ne réussissent. (Sainte Julie Billiart +1816)

L'histoire de l'Inquisition est l'illustration du drame qui menace les hommes chaque fois qu'une liaison organique s'établit entre l'Etat et l'Eglise. (Bartolomé Bennassar, L'inquisition espagnole 15°-19° siècles, Pluriel, 2002)


Notes
1 The Spanish Inquisition, Helen Rawlings, Blackwell Publishing, 2004
2 Histoire de l'Inquisition au Moyen Age de Henry-Charles Lea ; trad. de l'américain par Salomon Reinach
3 Abrégé du manuel des inquisiteurs par André Morellet, chapitre Des défenses de l'accusé
4 Aubry du Monastère de Trois-Fontaine (Haute Marne)
5 http://infocatho.cef.fr/infos11362.html
6 http://fr.wikipedia.org/wiki/1579
7 http://fr.wikipedia.org/wiki/1540
8 "L'Inquisition a été créée par Grégoire IX, qui, dans ses Bulles des 13, 20 et 22 avril 1233, a nommé les Dominicains comme inquisiteurs officiels pour tous les diocèses de France" (Ripoil et Bremond , "Bullarium Ordinia Fratrum Praedicatorum", Rome, 1729, I, 47).

Sources


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Date de mise à jour : 20/05/2024

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