Jean VIII, pape

Cet archidiacre romain, né vers 820 à Rome, fils de Gundus, est élu et intronisé le 14 décembre 872 sous le nom de Jean.
Jean VIII réorganise la curie.
Le titre de pape est réservé exclusivement à l’évêque de Rome.
Il défend Méthode contre ses détracteurs allemands opposés à l’utilisation du slavon dans la liturgie, en réitérant la permission accordée par Adrien II de faire usage de cette langue à des fins liturgiques.
Il accorde l’absolution aux guerriers qui meurent en défendant les chrétiens contre les Sarrasins en Italie.
Il excommunie Formose (futur pape), cardinal-évêque de Porto et légat en Bulgarie, pour avoir aspiré à l'archevêché de Bulgarie et à la Chaire de saint Pierre, pour s'être opposé à l'empereur, pour avoir quitté son diocèse sans autorisation du pape, pour avoir dépouillé les monastères de Rome, pour avoir célébré le service divin malgré une interdiction et conspiré avec certains hommes et certaines femmes afin de détruire le siège pontifical. Il le réhabilitera en 878 à condition de ne jamais retourner à Rome ni d'exercer des fonctions sacerdotales.
Jean lance tellement d’excommunications qu’elles perdent toute efficacité : à Châlons, il excommunie un homme qui lui a volé deux chevaux, et, à Flavigny, un prêtre qui lui a pris une coupe.
Il déroge à l’ancienne discipline en commuant les pénitences en pèlerinages.
Il meurt le 16-12-882 : selon les Annales de Fulda, Jean, dont la faiblesse et la conduite déréglée (il aime les jeunes garçons) déshonorent la chaire de saint Pierre, est empoisonné, et, comme le poison n’agit pas assez vite, il a la tête fracassée à coups de marteau.

Le cardinal Baronius (+ 1607), avant Voltaire, pensait que la faiblesse de Jean VIII l’avait fait traiter de femme (la papesse Jeanne) par ses contemporains (Annales de l'histoire de l'Église).


872. 14 décembre, élection et intronisation du pape.

873. Au concile de Senlis, Carloman, fils de Charles II le Chauve, est déchu de sa dignité ecclésiastique. Charles le Chauve ordonne l'aveuglement de son fils Carloman et son incarcération à Corbie ; aveugle, Carloman se réfugie chez son oncle Louis le Germanique qui le fait abbé d'Echternach où il mourra en 876. Une invasion de criquets dévaste Italie, Gaule et Germanie. Mort d'al-Kindi qui cherchait à concilier le panthéisme de Plotin avec la doctrine de l’islam. Disparition d'al-Mahdi, le douzième imam (dernier descendant légitime de Mahomet pour les chiites duodécimains), qui reviendra au jugement dernier en tant que Messie selon la prophétie de Mahomet. 15 août, mort de Tang Yizong (Li Cui) empereur chinois : son fils Tang Xizong lui succède. En septembre, le pape adresse sa Lettre Unum est aux princes de Sardaigne : "Il est une chose pour laquelle nous devons paternellement vous admonester ; si vous ne la corrigez pas, vous encourrez un grand péché, et par elle ce ne sont pas les gains que vous accroîtrez, comme vous l'espérez, mais bien plutôt les dommages. Comme nous l'avons appris, à l'instigation des Grecs, beaucoup qui ont été enlevés captifs par les païens sont donc vendus dans vos régions et, après avoir été achetés par vos compatriotes, ils sont gardés sous le joug de l'esclavage ; alors qu'il est avéré qu'il est pieux et saint, comme il convient pour des chrétiens, que lorsqu'ils les ont achetés des Grecs, vos compatriotes les renvoient libres pour l'amour du Christ, et qu'ils reçoivent leur récompense non pas des hommes, mais de notre Seigneur Jésus Christ lui-même. C'est pourquoi nous vous exhortons et nous vous commandons, avec un amour paternel, si vous leur avez acheté des captifs, de les laisser aller libres pour le salut de votre âme. "

875. En mars, Charles le Chauve concède au monastère de Tournus le privilège de l’immunité et le place sous la "tuitio" royale, renouvelant ainsi les prérogatives qui avaient été accordées aux moines par Louis le Pieux (l'évêque du Puy, Guy (Wido), signe le privilège de Tournus). 12 août, mort de l’empereur Louis II le Jeune à Brescia : le pape offre la couronne d’empereur à Charles le Chauve et lui fait prêter serment d’être le défenseur de l’Église, tandis que Louis le Germanique, malade, envahit la Francie occidentale. Concile à Chalon-sur-Saône auquel souscrit Jean Ier l'évêque de Cambrai et d’Arras. 25 décembre, à Rome, le pape couronne empereur d’Occident Charles II le Chauve qu’il a appelé pour lutter contre les Sarrasins du Sud de l’Italie.

876. 21 juin, Charles le Chauve convoque un concile à Ponthion en présence des légats du pape et de Guy (Wido), l'évêque du Puy. 30 juin, Charles le Chauve est confirmé comme empereur à Ponthion par les Grands de Neustrie, Aquitaine, Septimanie, Provence et Bourgogne. 28 août, mort de Louis II le Germanique, roi de Francie orientale et d'Italie : son royaume, la Francie orientale, est partagé conformément au règlement successoral, entre ses fils, Carloman et ses frères cadets, Louis III le Jeune (Louis de Saxe) et Charles III le Gros. Le pape donne le titre de primat des Gaules à l’archevêque de Sens qu’il charge de toutes les affaires ecclésiastiques dans la Gaule et dans la Germanie. Le doge de Venise interdit vainement le commerce des esclaves slaves de la côte dalmate. Les Juifs de Sens sont chassés de la ville. 8 octobre, bataille d'Andernach : Charles le Chauve, qui essaie de reconquérir l'héritage de son frère Carloman, est vaincu alors qu'il tentait de reprendre la Lorraine orientale à son neveu le roi de Germanie Louis III le Jeune.

876 ou 877. Mort de JEAN SCOT ERIGENE. Né vers 810, ce penseur et théologien chrétien enseigna à l’école palatine de Charles le Chauve. Il aurait traduit les textes du Pseudo Denys avant de rejoindre le roi Alfred le Grand en Angleterre où il enseigna dans la première université d’Oxford. Disciple de Platon et des néoplatoniciens aussi bien que d'Augustin d'Hippone, de Boèce et de Denys l’Aréopagite, Erigène écrivit notamment le Traité sur l’Eucharistie, De divisione natura, De predestinatione (851) et De visione Dei, ouvrages dans lesquels il soutient que tout provient de Dieu, et que, par étapes, tout y retourne. Sa doctrine, qui joint un certain panthéisme à l’agnosticisme, fut condamnée par deux conciles.

877. 7 avril, à Compiègne, où il célèbre la fête de Pâques, l'empereur Charles le Chauve reçoit des appels à l'aide (datés des 11 et 13 février) du pape Jean VIII menacé par les Sarrasins 1. 5 mai, consécration de la collégiale Sainte-Marie, future abbaye Saint-Corneille, construite par Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne à Compiègne dont il voulait faire la capitale de l'Empire d'Occident. 7 mai, Charles le Chauve ordonne la levée d’un tribut de 5 000 livres d’argent pour acheter la retraite des Normands de la Seine 1. En juin, par le Capitulaire de Quierzy sur Oise, Charles le Chauve décide que les fils de comtes ou de vassaux directs relèveront la charge de leur père défunt [ainsi vont se constituer dans les comtés des lignages stables, le terme de beneficium sera progressivement remplacé par celui de feodum (fief), c’est la naissance de la féodalité]. Au concile de Ravenne, sont votés des canons pour réformer les désordres qui se sont introduits dans la discipline ecclésiastique. 6 octobre, à Aussois, au pied du Mont Cenis, mort de Charles II le Chauve (roi de France 843-877, empereur d’Occident 875-877) 3 alors qu’il revient d’une vaine expédition contre les Sarrasins d’Italie ; la veuve de Charles le Chauve, Richilde, songe à mettre au pouvoir son frère Boson, duc de Bourgogne (que la rumeur accuse d’avoir fait empoisonner Charles) et l’aide à accéder au trône de Provence ; l’Empire reste vacant jusqu’en 881 : son fils Louis II le Bègue doit traiter avec les Grands révoltés pour lui succéder. 26 octobre, Photios redevient patriarche de Constantinople après la mort d’Ignace (le 23) ; le pape, surnommé le recteur de l'Europe, reconnaît la réhabilitation, par le concile de Constantinople, de Photios (condamné en 869 par le pape Adrien II) comme patriarche légitime de Constantinople : Jean n’exige qu’une déclaration de repentir. 8 décembre, à Compiègne, Louis II le Bègue (ou le Fainéant) est sacré et couronné par Hincmar, l’archevêque de Reims [faible, Louis ne sait pas résister aux grands feudataires et permet ainsi le triomphe de la féodalité].

878. Pour avoir la paix, Jean VIII promet aux Sarrasins groupés à Tortone dans le Piémont de leur verser un tribut annuel de 25 000 marcs d'argent 2. En mars, Lambert de Spolète et Adalbert de Toscane, partisans de Carloman de Bavière pour le titre d'empereur, assiègent le pape Jean VIII à Rome et forcent la population à reconnaître Carloman. En mai, en Angleterre, le roi Alfred le Grand remporte la bataille d'Edington (Ethandun) sur les Danois ; le chef danois Guthrum se convertit au christianisme. 11 mai, attaqué par Lambert, duc de Spolète, qui prend Rome, le pape s’enfuit en France : il se réfugie à Arles auprès de Boson de Provence. 21 mai, les Arabes (Aghlabides) s'emparent de Syracuse après dix mois de siège ; Byzance ne conserve en Sicile que Taormina (jusqu'en 902). 11 août, le pape, chassé à la fois par les Sarrasins et les clercs romains, ouvre un concile à Troyes et demande de l'aide ; le concile de Troyes accorde de grands privilèges aux évêques aux dépens des puissances temporelles ; le pape assure les évêques francs que ceux qui combattent vaillamment les païens et les infidèles, s’ils périssent avec la piété de la foi catholique, entreront dans le repos de vie éternelle. 7 septembre, à Troyes, Jean VIII sacre et couronne roi de France (une deuxième fois) Louis II le Bègue. 1er et 2 novembre, entrevue de Fouron près de Liège : un traité de paix et d'amitié, signé entre Louis le Bègue et Louis le Jeune (roi de Germanie), confirme le partage de la Lotharingie.

879. 10 avril, à Compiègne, mort de Louis II le Bègue ou le Fainéant ; Louis III succède à son père mais accepte de partager le pouvoir avec son frère Carloman : Louis prend la Neustrie et la Francie, Carloman la Bourgogne, l’Aquitaine et la Septimanie ; Louis, roi de Neustrie, et Carloman, roi d'Aquitaine et de Bourgogne, sont sacrés à Ferrières-en-Gâtinais par l’archevêque de Sens. 21 mai, le pape reconnaît Branimir comme le Prince de Croatie. 15 octobre, le comte Boson, frère de la seconde épouse de Louis II le Bègue, qui a fait de Vienne sur le Rhône sa résidence, se fait proclamer roi de Bourgogne et de Provence par un concile d’évêques : la couronne du roi Boson réunit la Provence, le Bugey, la Bresse, une partie de la Bourgogne cisjurane, une partie du Languedoc et le Dauphiné. Louis III doit céder la Lotharingie occidentale à Louis le Jeune, roi de Germanie. En novembre, Photius réunit un synode qui annule celui de 869 et interdit de faire quelque addition que ce soit (filioque) au Symbole de Constantinople (concile de Constantinople IV) qui réaffirma le concile de Nicée : Rome accepte.

Vers 880. Jérusalem, création d’un couvent de moines italiens (origine de l’Ordre des chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem). Composition de la Séquence (ou Cantilène) de sainte Eulalie, vraisemblablement le premier texte littéraire écrit dans une langue romane différenciée du latin.

Vers 880 - vers 915. A la suite d'une convention avec le vicomte de Polignac, l'évêque du Puy en Velay, Norbert (Norbertus), transfère de Saint-Paulien au Puy les corps des saints évêques Georges et Marcellin.

880. Alfred le Grand (848-899), premier roi d’Angleterre, prend le titre de roi des Anglais et des Saxons.

881. 12 février, à Rome, le pape sacre Charles III le Gros empereur d'Occident : c’est le premier empereur carolingien germanique. Les Sarrasins étant installés en Campanie et Charles le Gros s’étant montré incapable de les chasser, le pape fait appel à l’empereur d’Orient (en vain). 3 août, bataille de Saucourt-en-Vimeu, remportée par les troupes carolingiennes des rois Louis III et Carloman II sur les Normands. Le pape Jean condamne solennellement Photius qui n'a pas respecté pas les engagements pris avec le Saint-Siège.

882. Le Varègue Oleg le Sage, fils de Riourik, s’empare de Kiev qu’il élève au rang de mère des villes russes. 5 août, à Saint-Denis, mort accidentelle de Louis III ; son frère cadet CarlomanII règne seul. 16 décembre, mort du pape (empoisonné et achevé à coups de marteau, selon les Annales de Fulda).


Notes
1 Naissance de la France, Ferdinand Lot, Librairie Arthème Fayard, 1948.
2 voltaire-integral.com/Html/13/08ANNA10.html
3 Charles le Chauve a fait mention, dans un capitulaire, des serviteurs du diable : « C’est le devoir du roi de faire disparaître les impies, de ne pas laisser vivre les fabricants de maléfices et de poisons »

Sources


Pape suivant : Marin Ier (Martin II)
Liste des papes


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Date de mise à jour : 25/05/2024

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