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La fête de l'Ascension de Notre-Seigneur, l'une des plus importantes célébrations du christianisme, se déroule un jeudi, quarante jours après Pâques. Pour les chrétiens, l’Ascension (en latin ascensio, en grec analepsis) désigne le moment où Jésus-Christ monte au ciel, après sa résurrection d'entre les morts. Cet épisode est décrit à la fin de l'Evangile selon Luc (XXIV, 51) : Jésus emmène ses apôtres vers Béthanie, un village de Judée où il aimait se retirer pour fuir les persécutions de Jérusalem. Là, il les bénit. "Et il advint, comme il les bénissait, qu'il se sépara d'eux et fut emporté au ciel. Pour eux, s'étant prosternés devant lui, ils retournèrent à Jérusalem en grande joie, et ils étaient constamment dans le Temple à louer Dieu". Ascension du Christ, Garofalo, 1510/20 D'après Les Actes des Apôtres (I, 1-11), également écrits par Luc, c'est au terme de 40 jours d'apparitions et d'entretiens que Jésus a quitté les siens pour monter au ciel : "Théophile, j'ai raconté dans le premier livre tout ce que Jésus a fait et enseigné jusqu'au jour où, après avoir donné, par l'Esprit-Saint, ses ordres aux apôtres qu'il avait choisis, il fut enlevé (au ciel). C'est à eux aussi qu'après sa passion il se montra vivant, avec force preuves, leur apparaissant pendant quarante jours et parlant des choses du royaume de Dieu." Si Jésus remonte définitivement au ciel, c'est pour envoyer son Esprit qui désormais le remplacera auprès de ses disciples : "Comme il mangeait avec (eux), il leur enjoignit de ne pas s'éloigner de Jérusalem, mais d'attendre ce que le Père avait promis, "ce que, (leur dit-il), vous avez appris de moi : que Jean a baptisé d'eau, mais que vous, sous peu de jours, vous serez baptisés de l'Esprit-Saint." Eux donc, s'étant réunis, lui demandèrent : "Seigneur, est-ce en ce temps-ci que vous allez rétablir la royauté pour Israël ?" Il leur dit : "Ce n'est pas à vous de connaître les temps ni les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais, lorsque le Saint-Esprit descendra sur vous, vous recevrez de la force, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'à l'extrémité de la terre." Quand il eut dit cela, il fut élevé (de terre) sous leur regard, et un nuage le déroba à leurs yeux. Et comme ils avaient la vue fixée vers le ciel pendant qu'il s'en allait, voici que deux hommes, vêtus de blanc, se présentèrent à eux et (leur) dirent : "Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui, d'auprès de vous, a été enlevé au ciel, ainsi viendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller au ciel." Ce tableau si sobre ne doit rien, ni aux apothéoses de héros païens comme Romulus ou Mithra, ni même au précédent biblique d'Élie (...) l'intention du récit n'est certainement pas de décrire un triomphe qui s'est produit en fait dès l'instant de la Résurrection ; elle est seulement d'enseigner qu'après une certaine période d'entretiens familiers avec ses disciples, le Ressuscité a retiré du monde sa présence manifeste pour ne la rendre qu'à la fin des temps. Si le Christ est monté au-dessus de tous les cieux, c'est qu'il est aussi descendu dans les régions inférieures de la terre, et il fallait cette sinistre descente pour qu'il pût remplir toutes choses et régner en Seigneur sur l'univers (Ephésiens 4,9). La foi chrétienne confesse que Jésus-Christ est le Seigneur dans le ciel après être remonté d'entre les morts. 4 Marc écrit (Evangile selon Marc, XVI) : "En ce temps-là, les onze disciples étant à table, Jésus leur apparut, et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leurs cœurs, de n'avoir pas cru à ceux qui avaient vu qu'il était ressuscité. Et il leur dit : "Allez par le monde entier, prêchez l'Evangile à toute créature. Celui qui croira et qui sera baptisé, sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné. Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : ils chasseront les démons en mon nom ; ils parleront des langues nouvelles ; ils prendront les serpents avec la main ; et s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur nuira pas ; ils imposeront les mains sur les malades, et les malades seront guéris." Et après leur avoir parlé, le Seigneur Jésus fut élevé au ciel, où il est assis à la droite de Dieu. Et eux étant partis prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant leur parole par les miracles qui l'accompagnaient." Dans Marc (XVI 19), Luc (XXIV 51) et Actes des Apôtres, l'Ascension est considérée comme un fait historique observé ; la 1re Épître de Pierre (3 22), la 1re Épître à Timothée (3 16) et l'Épître aux Hébreux (4 14) soulignent sa dimension théologique. Sa signification est la glorification du Christ et sa réalisation comme un signe que sa mission terrestre a été remplie. C'est ce retour du Christ auprès du Père qui aurait permis la descente de l'Esprit saint sur les apôtres le jour de la Pentecôte (Jean XVI, 7). Selon Augustin d'Hippone (354-430), la fête de l'Ascension remonte aux temps apostoliques. Au IVème siècle, on se met à célébrer l'Ascension le 50ème jour après Pâques ; c’est vers la fin du siècle que la liturgie établit la Pentecôte comme une fête distincte de l'Ascension : la séparation des deux fêtes (Ascension et Pentecôte) ainsi que le rejet de la fête du quarantième jour pascal se firent entre 393 et 428. Dès le IVe siècle, les chrétiens de Jérusalem effectuent une procession jusqu’au mont des Oliviers. A l’Ascension, outre les rites ordinaires, on fait, au cours de l'office liturgique, la bénédiction solennelle du pain et des fruits de la terre. Mamert, évêque de Vienne sur le Rhône de 462 à 476, institue la Litanie mineure (ou Rogations), trois jours avant l’Ascension, pour détourner des calamités (notamment séismes, incendies et bêtes féroces) 1. Dans son Histoire des Francs, Grégoire de Tours (538-594) fait mention d'une procession qui a lieu ce jour-là dans presque toutes les églises, en mémoire du voyage des apôtres accompagnant le Sauveur de Jérusalem au Mont des Oliviers et revenant de la montagne au cénacle. Selon la tradition, le Mont des Oliviers à Jérusalem est le lieu de l’ascension du Christ qui eut lieu à midi. Un sanctuaire, formé d’un double portique entourant une rotonde dépourvue de toit pour laisser le ciel visible, y fut d’abord érigé ; le moine Arculfe mentionne ce lieu saint en 670. C'est dans l'église de la Sainte Ascension, un édicule qui faisait partie d'un complexe plus vaste comprenant une église et un monastère chrétiens bâti par les Croisés et pris en 1187 par Saladin qui le transforma en la Mosquée de l'ascension d'Isā que l'on connaît aujourd'hui, que se trouve l'empreinte traditionnelle du pied de Jésus dans la pierre, au lieu présumé de son Ascension. Chaque année, les musulmans permettent aux différentes confessions chrétiennes d'y célébrer la Fête de l'Ascension. L'islam reconnaît l’Ascension de Jésus (Isā), fils de Marie : “Dieu l’a élevé vers Lui car Dieu est puissant et juste.” 2 Le jeudi de l'Ascension est férié dans de nombreux pays comme la France (Napoléon Bonaparte en a décidé ainsi en 1801), l'Allemagne, la Belgique et la Suisse (mais pas l'Italie, l'Espagne ou le Royaume-Uni). En Moldavie, les femmes de foi chrétienne orthodoxe apportent à l’église des gâteaux aux noix ainsi que des œufs peints pour les faire bénir et en faire ensuite aumône. Les jeunes filles plantent des fleurs, car on dit que c’est un temps très propice pour la plantation : les plantes s’élèveront vers les cieux, pareilles au Christ. Les gens vont cueillir et font bénir des plantes médicinales. Le jeudi de l'Ascension, à Venise, on célèbre la Senza qui commémore l'expédition sur les côtes de Dalmatie du Doge Pietro II Orseolo qui apporta à Venise la maîtrise de l'Adriatique en l'an 1000. La fête de la Senza fut instituée en 1173. Embarqué sur une prestigieuse galère dorée richement parée, le Doge quittait la lagune pour la mer et procédait aux épousailles de la mer (sposalizio del mare). Il jetait dans l'eau un anneau d'or et prononçait la déclaration : "Je t'épouse, ô mer, en signe de vraie et perpétuelle domination ». Puis le Doge entrait dans la Basilique Saint Marc pour une messe solennelle, entouré de tous les prélats et des chœurs qui glorifiaient le Seigneur. La tradition de la sortie en mer et de la messe solennelle du jour de l'Ascension existe toujours aujourd'hui, désormais sans la présence du Doge, mais en présence du Maire de Venise. 3 Autres « ascensions » Bien que réservé au Christ, le mot ascension désigne aussi la disparition de deux personnages de l'Ancien Testament : le patriarche Hénoch, fils de Caïn, qui avait 365 ans lorsque Dieu l'enleva de la terre (Genèse 5,24) et le prophète Élie qui monta au ciel dans un char de feu (II Rois 2,11). Un apocryphe parle d'une Assomption de Moïse. Pour ce qui concerne la montée au Ciel de la Vierge Marie, on emploie le terme d'Assomption. Il s’agit d’assomption, non d’ascension, car assomption (du latin assumptus = pris) est un terme passif. Marie ne s’élève pas au ciel d’elle-même comme l'a fait Jésus : après sa mort, elle est prise, corps et âme, et est élevée au Ciel. Citations Jésus ne revient pas isolé vers son Père. C'est la Parole, le Logos fait chair, à la fois vrai Dieu et vrai homme, qui entre dans le Royaume et y introduit l'humanité qui est la nôtre. Nous prenons, en quelque sorte par procuration, possession de biens qui nous sont offerts et possibles, qui nous sont destinés. Avec le Christ, notre présence y est désirée et attendue. (Parole d’un moine d'Orient anonyme) Quand notre Seigneur Jésus Christ est monté au ciel le quarantième jour, il a recommandé son corps qui devait rester sur la terre : il voyait que beaucoup de gens devaient l'honorer parce qu'il était monté au ciel, et il voyait que cet honneur est inutile si on foule aux pieds ses membres qui restent sur la terre... Voyez où s'étend son corps, voyez où il ne veut pas être foulé aux pieds : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre. » Voilà où je reste, moi qui monte ; je monte parce que je suis la tête. Mon corps reste encore sur la terre. Où est-il ? Sur toute la terre. Prends garde à ne pas le frapper, à ne pas lui faire violence, à ne pas le fouler aux pieds. Ce sont là les dernières paroles du Christ qui monte au ciel. [Augustin (+ 430), Traité sur l’épître de saint Jean, X 9]. Les jours qui s'écoulèrent entre la résurrection du Seigneur et son ascension n'ont pas été dépourvus d'événements : de grands mystères y ont reçu leur confirmation, de grandes vérités y ont été révélées. C'est alors que la crainte d'une mort amère est écartée, et que l'immortalité, non seulement de l'âme mais aussi de la chair, est manifestée. C'est alors que, par le souffle du Seigneur, le Saint-Esprit est communiqué à tous les Apôtres ; et le bienheureux Apôtre Pierre, après avoir reçu les clefs du Royaume, se voit confier, de préférence aux autres, la garde du bercail du Seigneur. En ces jours-là, le Seigneur se joint à deux disciples et les accompagne en chemin ; et, afin de dissiper en nous toute l'obscurité du doute, il reproche à ces hommes apeurés leur lenteur à comprendre. Les cœurs qu'il éclaire voient s'allumer en eux la flamme de la foi ; ils étaient tièdes, et ils deviennent brûlants lorsque le Seigneur leur fait comprendre les Ecritures. A la fraction du pain, les yeux des convives s'ouvrent. Ils ont un bonheur bien plus grand, eux qui voient se manifester la glorification de leur nature humaine, que nos premiers parents qui conçoivent de la honte pour leur désobéissance (…) Pendant tout ce temps qui s'est écoulé entre la résurrection du Seigneur et son ascension, voilà, mes bien-aimés, de quoi la providence divine s'est occupée, voilà ce qu'elle a enseigné, voilà ce qu'elle a fait comprendre aux yeux et aux cœurs de ses amis : on reconnaîtrait que le Seigneur Jésus était vraiment ressuscité, lui qui vraiment était né, avait souffert et était mort vraiment. Aussi les bienheureux Apôtres et tous les disciples que la mort de la croix avait apeurés et qui doutaient de la foi en la résurrection furent-ils raffermis par l'évidence de la vérité ; si bien que, lorsque le Seigneur partit vers les hauteurs des cieux, ils ne furent affectés d'aucune tristesse, mais comblés d'une grande joie. Certes, c'était pour eux un motif puissant et indicible de se réjouir puisque, devant le groupe des Apôtres, la nature humaine recevait une dignité supérieure à celle de toutes les créatures célestes ; elle allait dépasser les chœurs des anges et monter plus haut que les archanges ; les êtres les plus sublimes ne pourraient mesurer son degré d'élévation, car elle allait être admise à trôner auprès du Père éternel en étant associée à sa gloire, puisque la nature divine lui était unie dans la personne du Fils. [Léon le Grand (pape de 440 à 461), Premier sermon pour l’Ascension, 2-4]. Il mangea avant de monter au ciel afin de bien établir la réalité de son corps (...) Notre Sauveur n'est pas emporté dans un char, il n'est pas soulevé par les anges : celui qui a fait toutes choses s'élève par sa propre puissance au-dessus de toutes choses. [Grégoire le Grand (pape de 590 à 604), Homélie XXIX sur les péricopes évangéliques]. Dictons météorologiques Quand il pleut à l’Ascension tout dépérit jusqu’à la moisson. A l'Ascension, le dernier frisson. A l’Ascension, blanche nappe et gras mouton. Notes 1 La Légende dorée de Jacques de Voragine, P 71-72 2 Coran, Sourate 4, 157-158 3 http://catholique-nanterre.cef.fr/faq/fetes_ascension_evenement.htm#JEUDI 4 Vocabulaire de théologie biblique, Ed. du Cerf. 1977. Voir dossier Jésus. Pentecôte. Semaine Sainte. Noël Sources Auteur : Jean-Paul Coudeyrette Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur. Date de mise à jour : 02/05/2024 |