SYLVESTRE II

Gerbert d’Aurillac, dit l’Erudit, naît, dans une famille pauvre, vers 938, au hameau de Belliac (commune de Saint-Simon) dans le Cantal.
Il est reçu comme novice chez les moines bénédictins de Saint-Géraud d’Aurillac.
A la prière de l’abbé, le duc des Marches d'Espagne, Borel, alors en pèlerinage à Aurillac, emmène le jeune moine, studieux et avide de connaissances, étudier en Espagne. Là, Borel confie Gerbert à l'évêque de Vich, Hatton, auprès duquel il fait de grands progrès. Gerbert se rend probablement dans des monastères mozarabes où il découvre, entre autres, les chiffres arabes (qu'il aura du mal à introduire en Occident) et imagine son abaque (tablette à calculer).
Trois ans après, le duc Borel et l'évêque Hatton l’emmènent en Italie où ils le présentent au pape Jean XIII qui est émerveillé par sa science exceptionnelle et le recommande à l'empereur Otton Ier (962-973). A la cour impériale, Gerbert noue des relations avec des personnages importants et gagne l'estime du prince, le futur Otton II (973-953).
En 972, lors du mariage d'Otton II à Saint-Pierre-de-Rome, Gerbert rencontre l'archidiacre de Reims, Garamnus, qui l'invite à l'accompagner dans le diocèse. Là, Adalbéron, évêque de Reims, le nomme secrétaire et écolâtre de son studium (école) épiscopal : Gerbert y enseigne et y fait enseigner toutes les connaissances possibles, profanes et religieuses, antiques et modernes ; il acquiert une grande réputation de mathématicien et d’astronome ; le chroniqueur Richer nous apprend que Gerbert possède un grand nombre de livres, qu’il cultive à la fois la géométrie, l’astronomie, la physique, la logique, l’histoire et même la poésie et qu’il construit des instruments (entre autres, trois sphères à l’aide desquelles il décrit le mouvement des planètes) ; on lui attribue aussi la construction de la première horloge mue par des poids (vers 991 il construit l’horloge de Magdeburg).
En 983, Gerbert est nommé abbé de Saint-Colomban (Bobbio) par son ami Otton II. Mais, après la mort d'Otton (7 décembre), la situation devient intenable (calomnies, menaces de mort) et Gerbert quitte Bobbio pour reprendre à Reims ses fonctions d'écolâtre.
Il conseille Adalbéron quand ce dernier, au concile de Senlis (1er juin 987), propose comme roi, puis fait élire et sacre Hugues Capet (3 juillet), au détriment des derniers descendants de Charlemagne.
En juin 991, le concile de Saint-Basle de Verzy dépose Arnoul, l'archevêque de Reims ; Hugues Capet nomme Gerbert d’Aurillac archevêque de Reims contre la volonté du pape Jean XV, ce qui vaut à Gerbert des démêlés infinis avec les évêques fidèles à l’Empire, et avec la papauté. Il joue un rôle dominant dans une série de conciles de France, où il se fait le champion de l’indépendance des Églises nationales, notamment pour la nomination des évêques.
Hiver 993/994 : le roi Robert II (associé au pouvoir par son père le roi Hugues Capet) préside le synode de Chelles au cours duquel Gerbert et de nombreux évêques français prennent position pour l'indépendance de l'Eglise de France vis-à-vis de Rome. Jean XV riposte par un synode à Aix-La-Chapelle qui décide de convoquer les évêques français à Rome. Aucun d'eux ne s'étant rendu à cette convocation, le légat du pape, Léon, convoque, en juin 995, un synode à Mouzon (Ardennes) où Gerbert reconnaît la primauté du pape mais affirme que celui-ci n'a pas à intervenir directement dans les affaires de province qui relèvent des conciles provinciaux dont le rôle a été défini par le Concile de Nicée.
Le 21 mai 996, Gerbert assiste, à Rome, au couronnement d'Otton III ; il en profite pour plaider sa cause auprès du pape Grégoire V, en vain ; Gerbert capitule, quitte le siège archiépiscopal de Reims qui est récupéré par Arnoul et se réfugie en Allemagne auprès d'Otton III qui lui demande de l'instruire.
En 998, Otton III le fait évêque de Ravenne ; puis, à la mort de Grégoire V, le 18 février 999, il le fait élire pape ; consacré le 2 avril 999, le premier pape français choisit le nom de Sylvestre.
Sylvestre II proclame que l'un des attributs de la chaire pontificale est de relever ceux qui sont tombés.
Il lutte contre la simonie (Discours sur les devoirs des évêques), réforme la discipline ecclésiastique et renforce l’autorité papale.
Il introduit la clause militaire : le puissant laïc bénéficiaire doit au pape un service en armes et en hommes.
Il renforce les privilèges de nombreuses abbayes.
Il essaie d’introduire dans l’État pontifical des personnages puissants qui soient étrangers aux grandes familles romaines, en particulier à celle de Albéric et de Théophylacte, habituée à faire et défaire les papes.
La diplomatie de Sylvestre II consiste à unir aussi étroitement que possible la Germanie à Rome : comme l'empereur, il rêve d’un Empire romain universel et chrétien capable de contrebalancer Byzance.
Il veut unir la chrétienté contre les musulmans d’Espagne (il aurait écrit une lettre à l'Eglise universelle où il est question de ravage des lieux saints).
Il meurt le 12 mai 1003.
Il a écrit De corpore et sanguine Domini (De la chair et du sang du Seigneur).

Son érudition, ses connaissances scientifiques (ses traités savants sur des sujets relevant des mathématiques, de la philosophie et de la physique sont célèbres) et son intérêt pour l’astronomie (De sphaerae constructione : De la construction des sphères) et les gemmes gnostiques (abraxas) lui valurent une telle renommée que nombre de ses contemporains le considéraient comme un alchimiste et un magicien.
Dans le Miroir historial (Speculum historiae, milieu du XIIIe s.) Vincent de Beauvais rapporte la légende selon laquelle Gerbert aurait tout jeune vendu son âme au diable, lequel, en échange, lui aurait assuré sa carrière politique jusqu’au siège de Pierre, puis le pape, repenti, aurait obtenu la miséricorde divine.
On a prétendu que, Satan étant venu en personne lui réclamer son dû le jour de sa mort, on entendait depuis s’entrechoquer ses ossements dans sa tombe chaque fois qu’un pape va mourir...
Sa tombe, sous le portail de la basilique Saint-Jean de Latran à Rome, fut ouverte en 1648 à la demande d'Innocent X et sa dépouille tomba instantanément en poussière : on ne sait pas ce que ses quelques restes sont devenus.


999. 2 avril, Otton III fait élire et consacrer pape Gerbert d’Aurillac qui choisit le nom de Sylvestre II. Le pape commue l'excommunication prononcée par Grégoire V contre le roi de France, Robert II le Pieux, en une pénitence de sept ans. Le pape rétablit Pétroald sur le siège d'abbé de Saint-Colomban et Arnoul sur le siège épiscopal de Reims ; Sylvestre reconnaît aux évêques de Reims le prestige de sacrer les rois de France. L'Eglise hongroise reconnaît l'autorité du pape. Reconstruction par l'abbé Morard de l'église Saint-Germain-des-Prés détruite par les Normands en 886. 30 décembre, bataille de Glenmama ou Glenn Máma dans le Comté de Kildare en Irlande : les forces des royaumes de Munster et de Mide, sous la direction de Brian Boru, et celles du Haut-Roi d'Irlande Mael Seachnaill II Mór infligent une cuisante défaite aux armées alliées du Leinster et de Dublin, sous les ordres de Máel Mórda mac Murchada.

Vers 1000. Leuthard, paysan hérétique à Vertus (Champagne), diocèse de Châlons, se disant inspiré, détruit les croix et s’oppose à la dîme ; autres foyers hérétiques à Orléans, Arras, en Aquitaine, dans le Milanais, etc. Leif Erikson, explorateur islandais, découvre des terres situées au-delà du Groenland, couramment identifiées aux côtes du Nord-Est de l'Amérique du Nord, aux alentours du Labrador et de Terre-Neuve (les découvertes archéologiques de L'Anse aux Meadows, dans les années 1960, ont confirmé l'existence d'une colonisation viking des Amériques).

1000-1025. Burchard, évêque de Worms, interdit que, pour Noël, on décore les maisons avec de la verdure prise sur les arbres. Burchard croit en l'existence des stryges ou striges (du grec strigx = oiseau de nuit) ; ce sont des démons femelles ailés, mi-femme mi-oiseau, apparus dès l'Antiquité, surtout dans la croyance romaine ; ils s'en prennent essentiellement aux nouveau-nés, soit en suçant leur sang, soit en les enlevant dans leurs serres crochues ; ils sont souvent confondues avec les vampires. L'évêque conseille à ses prêtres de demander à leurs pénitentes : "As-tu partagé la croyance de nombreuses femmes de la suite de Satan ? Que pendant le silence de la nuit, après t'être étendue dans ton lit et pendant que ton mari repose sur ton sein, tu as le pouvoir, toute corporelle que tu es, de sortir par la porte fermée, de parcourir l'espace avec d'autres femmes qui te ressemblent ? Que tu as le pouvoir de tuer, avec des armes invisibles, des chrétiens baptisés et rachetés par le Sang du Christ, de manger leur chair après l'avoir fait cuire, et de mettre à la place de leur coeur de la paille ou un tout autre objet ? Que tu as le pouvoir, après les avoir mangés, de les ressusciter et de leur accorder un délai pour vivre ? Si oui : quarante jours de jeûne et une pénitence durant sept ans."

1000. 19 mai, Aix-La-Chapelle, une légende disant qu'un Empereur se lèverait de son sommeil pour combattre l’Antéchrist, l'empereur Otton III, peut-être en proie à la peur de l'an mil, fait ouvrir le tombeau de Charlemagne pour récupérer une ampoule contenant une relique de la Vraie Croix, don du calife Harun al-Rachid, enchâssée dans une monture en or ornée de pierres précieuses 1 ; en outre, Otton fait prélever une dent sur l'illustre dépouille ; on aurait trouvé Charlemagne assis sur un siège de marbre, tenant un sceptre et les Evangiles ; ce siège servira de trône aux 37 empereurs du Saint Empire couronnés à Aix-la-Chapelle. 29 juillet, le vizir des Omeyyades de Cordoue, Almanzor, bat les chrétiens espagnols coalisés à la Bataille de Cervera. 9 septembre, bataille navale de Svolder ou de Swold dans la mer Baltique : le roi de Norvège Olaf Tryggvason est battu par le roi de Danemark Sven à la Barbe Fourchue, le roi de Suède Olof Skötkonung et le Norvégien Éric Håkonsson, jarl de Lade. 25 décembre, Etienne Ier de Hongrie 3 (Vajk, baptisé en 994 sous le nom d’Étienne) est intronisé roi de Hongrie avec le consentement de l’empereur germanique Otton III ; le pape Sylvestre II a fait apporter une couronne par le légat Astericus (ou Anastase).

1000-1001. Otton III, avec le plein accord de Sylvestre II, fonde les Églises de Pologne et de Hongrie et s’associe les chefs des deux États, le duc Boleslas Chrobry et le roi Étienne.

1001. 16 février, une révolte suscitée par l’opposition romaine (dirigée par Jean Crescentius) oblige le pape et l'empereur à quitter Rome. 27 décembre, concile de Todi (Ombrie) présidé par le pape et l'empereur.

1002. 23 janvier, à Paterno (Latium), mort de l’empereur Otton III à l'âge de 22 ans ; Henri II, fils du duc de Bavière, lui succèdera le 6 juin. Jean Crescentius, patrice des Romains après la mort de l'empereur Otton III (23 janvier), autorise Sylvestre à revenir à Rome sous la condition qu'il abandonne tout pouvoir temporel. 15 février, Arduin d'Ivrée réussit à se faire élire et couronner roi d'Italie, en l'église Saint-Michel de Pavie et il est reconnu par l'Italie du nord et centrale. 21 mai, Almanzor quitte Cordoue pour une campagne contre la Castille au cours de laquelle il incendie le monastère de San Millán de la Cogolla. 7 juin, Henri II est élu roi de Germanie contre son cousin Othon de Carinthie ; après une longue lutte de succession, suivie d'un conflit avec les comtes de Luxembourg et la noblesse du royaume de Bourgogne qui refusent de le reconnaître comme son suzerain, Henri (973-1024) et son épouse, Cunégonde du Luxembourg, seront couronnés en 1014 ; comme empereur, Henri II se souciera de redresser la royauté germanique et de renforcer l’influence de l’Eglise sur la société ; il s’emploiera à réformer et à assainir la papauté en un temps où les papes sont souvent nommés grâce à des femmes ; il fondera l’évêché de Bamberg et soutiendra la réforme de l’Eglise entreprise par les moines de Cluny ; Cunégonde ne pouvant avoir d’enfants, Henri refusera de la répudier ; privé d’héritier, il instituera le Christ comme son légataire (ce fait est probablement à l’origine de la légende selon laquelle les deux époux n’auraient eu aucun commerce charnel) ; à sa mort, Henri le saint sera enseveli dans la cathédrale de Bamberg et Cunégonde se retirera à l’abbaye de Kaffungen qu’elle a fondée 2. 25 juillet, les Saxons reconnaissent le roi Henri II à l'assemblée de Mersebourg. 10 août, Venise défend Bari contre les Arabes de Sicile ; les Vénitiens repoussent les musulmans hors du canal d'Otrante ; l’Adriatique devient un lac vénitien. 15 octobre, à la mort d'Henri Ier sans héritier, Otte-Guillaume, comte de Bourgogne, se proclame duc de Bourgogne au détriment du roi des Francs ; au printemps suivant, Robert II le Pieux entreprendra la conquête du duché de Bourgogne. 13 novembre, massacre de la Saint-Brice : le roi d'Angleterre, Æthelred le Malavisé, fait massacrer tous les Danois habitant le royaume.

1002-1014. Robert II le Pieux conquiert le duché de Bourgogne.

1003. Robert le Pieux cède enfin au pape : il répudie Berthe et épouse Constance d’Arles, fille du comte de Toulouse et de Provence. Les Sarrasins pillent Pise. 12 mai, le pape Sylvestre II meurt à Rome.


Notes
1 Le pendentif pectoral connu sous le nom de Talisman de Charlemagne (Trésor de la cathédrale, Reims) est sans doute postérieur au règne de l’empereur et date plus probablement de la seconde moitié du IXe siècle.
2 Saint Henri et sainte Cunégonde (+1033) sont fêtés le 13 juillet ; « Nous devons abandonner les biens temporels et mettre au second plan les avantages terrestres pour nous efforcer d’atteindre les demeures célestes qui sont éternelles. Car la gloire présente est fugitive et vaine si, tandis qu’on la possède, on omet de penser à l’éternité céleste. » (Lettre d'Henri à l’évêque de Bamberg).
3 "Sois humble pour que ce soit Dieu qui t’élève, ici-bas et dans le monde futur. Sois modéré et ne châtie ni ne condamne personne outre mesure. Sois doux, pour ne jamais violer la justice. Aie le cœur noble et n’inflige jamais de honte à qui que ce soit, par un premier mouvement." (Etienne Ier de Hongrie + 1038, Conseils à son fils)

Sources

Pape suivant : Jean XVII
Liste des papes


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Date de mise à jour : 16/08/2024

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