ORIGENE
L’origénisme.

Origène (en grec Ôrigenês), également surnommé Adamantius (= homme de fer), naît à Alexandrie vers 185.
Il reçoit une éducation chrétienne et la légende rapporte qu'il doit être freiné dans son élan de subir le martyre à la mort de son père, Léonidas, décapité en 202, lors des persécutions de Septime Sévère.
Selon les récits ecclésiastiques traditionnels, il étudie sous l'égide de Clément d'Alexandrie.
Professeur de grammaire, il enseigne à Alexandrie pendant 28 ans, instruisant chrétiens et païens, y élabore ses principaux traités dogmatiques et se lance dans l'écriture de nombreux ouvrages critiques.

Un jour, la tête rasée comme un prêtre de Sérapis, il se place sur les degrés du temple pour distribuer des branches de palmier aux personnes qui entrent : « Venez, recevez ces palmes, non comme celles de votre idole, mais comme celles de Jésus-Christ. »
Il est incarcéré et maltraité à plusieurs reprises, sans que rien ne ralentisse son zèle.

Origène fait un voyage à Rome sous le pontificat du pape Zéphyrin (+ 218).

Dans l'école d'Origène, on enseigne l'arithmétique, la géométrie, les autres sciences connues depuis sous la dénomination collective d'arts libéraux. A ces études succède l'enseignement de la philosophie, qui les résume.
Origène donne à cet enseignement un caractère éclectique qui le fait paraître impartial.
Selon Eusèbe de Césarée, son ascétisme (il vit comme un anachorète) et sa chasteté sont si intransigeants qu'il finit par se castrer pour échapper à toute tentation (Origène condamnera plus tard son acte inconsidéré).
Son enseignement et ses méthodes d’exégèse étant fortement controversées à Alexandrie, Origène se fixe à Césarée (232) où il reconstitue l'Ecole d'Alexandrie.

Théoctiste, évêque de Césarée, l’ordonne prêtre, ce qui suscite une violente réaction de l’évêque d’Alexandrie, Démétrios, qui dénonce à la fois les hérésies d'Origène et l’irrégularité de l’ordination d’un castrat. L'affaire a un retentissement immense ; Démétrios réunit un concile à Alexandrie qui excommunie Origène.

La persécution de Maximin fait descendre Origène de sa chaire. Il va alors se cacher chez une veuve de Cappadoce et y vit deux ans, jusqu’à la mort violente de l’empereur.

En 250, la persécution de Decius surprend Origène au moment où la protection ouverte de l'empereur Philippe l’Arabe semblait avoir émancipé le christianisme d'une manière définitive. Origène est incarcéré, mis au carcan, torturé, menacé d'être brûlé vif. L'avènement de Gallus l'arrache à la mort.
Libéré en 251, mais affaibli par ses blessures, il meurt vers 254, probablement à Tyr.


Son oeuvre

Origène consacre l'essentiel de son activité à l'exégèse biblique :
- les Hexaples, dès 213, présentent six versions de l'Ancien Testament (texte hébreu, transcription et traductions grecques).
- les Scholies, nombreux commentaires et sermons qu'il a rédigés pour chaque livre de la Bible et dont il ne reste presque rien. Origène, grand maître de l'allégorie chrétienne, interprète l’Ecriture selon trois sens : littéral (corporel, historique et grammatical), moral (psychique) et spirituel (pneumatique et mystique) qui correspondent, chez l'homme, au corps, à l'âme et à l'esprit.
- Contre Celse (platonicien qui vécut à Rome sous les Antonins et fut célèbre par ses attaques contre le christianisme) est un traité d'apologétique. Dans son ouvrage Discours véritable, rédigé vers 178, Celse affirmait que Jésus était né d'une pauvre femme juive "chassée par le charpentier auquel elle avait été fiancée, parce qu'elle avait été reconnue coupable d'adultère, et avait donné un enfant à un soldat romain nommé Panthera".
- Sur les principes (v. 231) est une tentative hardie d'explication cohérente du dogme chrétien : Origène y établit l'infériorité du Verbe vis-à-vis du Père, la préexistence de l'âme et son libre arbitre, son salut dans la réintégration universelle et, simultanément, sa purification au terme d'épreuves successives. L’action du Père s’étend à tous les êtres, celle du Fils aux seuls êtres raisonnables, celle de l’Esprit se borne aux saints, c’est-à-dire à l’Église. Origène fait de l'apocatastase (Apocatastasis = restauration dans l'état original ou primordial), la certitude du salut universel : tous, même les démons, seront restaurés dans leur plénitude originelle après s'être purifiés dans les éons infernaux et avoir compris que seul Dieu, et non le mal, peut rassasier leur soif d'infini.

Ses doctrines

En 399, à Alexandrie, un concile, présidé par l’évêque Théophile, condamne les origénistes. Un concile est tenu à Chypre contre les origénistes. Marcella, l'honneur de la ville de Rome, veuve romaine, intervient, en faveur de Jérôme qui a pris position contre Origène, auprès du pape Sirice lors de la querelle origéniste (controverse autour de l'orthodoxie d'Origène) ; en 410; elle succombera aux coups que lui porteront les Goths d'Alaric.

Le pape Anastase Ier (399-401) condamne les doctrines d'Origène.

Devant l’agitation causée chez les moines de Palestine par les controverses origénistes, Justinien publie un édit condamnant comme hérétiques neuf propositions tirées des Principes d'Origène (542-543).

Le concile de Constantinople II (553) et les papes Vigile (537-555) et Pélage Ier (556-560) condamnent les doctrines origénistes et les noms d'Origène et d'Evagre le Pontique sont anathématisés : « Si quelqu'un dit que les Vertus célestes, tous les hommes, le diable, les Puissances du mal seront unis pareillement au Dieu Verbe et de la même manière que Christ, qu'il soit anathème. » (Concile de Constantinople II)
Le concile condamne également chez Didyme l’Aveugle, certaines doctrines origénistes qu’il professe : préexistence des âmes et restauration finale de tous les êtres, y compris les anges déchus et les pécheurs, dans leur condition originelle de purs esprits.

Parce qu'il ouvre la porte à une conception de la métempsycose et du temps cyclique contraire au dogme, l'origénisme est assumé comme spiritualité.
Tendue vers la Parousie, l'Église prie pour tous les morts, il ne peut y avoir d'enfer définitif avant le Jugement dernier (c'est la conception des Pères subapostoliques : Irénée de Lyon et Hippolyte).
Cette métaphysique suscite l'adhésion de nombreux penseurs chrétiens contemporains d'Origène, puis celle d'Evagre le Pontique (346-399), qui systématise sa pensée.
Les théories développées à partir des doctrines origénistes font l'objet d'une controverse qui traverse tout le Moyen Age.

Origène combat les doctrines marcionites et montanistes. Il accuse une secte gnostique, les Ophites, de vénérer le serpent biblique du jardin d'Eden.
Il accomplit la synthèse la plus originale du platonisme et de la pensée chrétienne. Il déclare à son disciple : « En toi se trouvent tous les dieux de l'Olympe. »

Origène conseille aux chrétiens de porter sur un anneau l’image d’une colombe, d’une ancre ou d’un poisson.
La symbolique du poisson se retrouve constamment dans l'Ere chrétienne.
Les premiers chrétiens, pourchassés par l'autorité romaine, adoptent le poisson comme signe de reconnaissance. En grec ancien, poisson se disait ichthus dont chacune des lettres est l'initiale de Iêsous Kristos Theou Uios Sôtêr (Jésus Christ, fils de Dieu, sauveur).


Trois poissons formant une boucle sans fin ou un poisson n’ayant qu’une seule tête pour trois corps, symbolisent la Trinité.
La mitre, que le pape et les évêques portent sur la tête lors des cérémonies religieuses, a la forme d'une tête de poisson (3 000 ans avant l’ère chrétienne, les prêtres sumériens d'Enki étaient coiffés de la mitre du dieu-poisson de la médecine et de la magie).
On remplace parfois la fève de l'Epiphanie par un petit poisson.
Le poisson représente aussi l'eucharistie, car le Christ ressuscité en a mangé (Luc 24,42).
Il fait aussi allusion au baptême : le chrétien est comparé à un petit poisson (Tertullien, Traité du Baptême).

Le Nouveau Testament n’indique pas combien de mages suivirent l’Etoile. Le chiffre symbolique de 3 (à cause des 3 offrandes et du triple aspect de la personne de Jésus à la fois roi, prêtre et prophète), d’abord fixé par Origène, fut adopté vers 450 par Léon le Grand.

Citations

A propos de la naissance de Jésus à Bethléem, (...) si quelqu'un désire d'autres preuves, qu'il sache que conformément à ce que l'Evangile raconte sur sa naissance, on montre à Bethléem la grotte où il est né, et, dans la grotte, la mangeoire où il fut enveloppé de langes. Ce qu'on montre est si connu en ces lieux que même les personnes étrangères à notre foi savent que dans cette grotte est né le Jésus admiré et adoré par les chrétiens. (Origène, vers 248)

Il faut avoir l’audace de dire que de toutes les Ecritures les évangiles sont les prémices. Et parmi eux, les prémices sont l’évangile de Jean, dont nul ne peut saisir le sens s’il n’a reposé sur la poitrine de Jésus et n’a reçu de Jésus Marie comme mère. Pour devenir un autre Jean, il faut s’entendre appelé par Jésus comme étant Jésus Lui-même : « Voici ton fils. » (Origène, Commentaires de Jean)

De même que le corps visible de Jésus a été crucifié, enseveli, et ensuite ressuscité, de même tout le corps constitué par les fidèles du Christ a été crucifié avec le Christ et ne vit plus désormais. Chacun d'entre eux, comme saint Paul, ne se glorifie pas d'autre chose que de la croix de Jésus Christ notre Seigneur, par laquelle il est crucifié pour le monde, et le monde crucifié pour lui. Non seulement il est crucifié avec le Christ et crucifié pour le monde, mais encore il est enseveli avec le Christ. Nous avons été mis au tombeau avec lui, dit saint Paul. Et comme s'il jouissait déjà d'un avant-goût de la résurrection, il ajoute : Et avec lui nous sommes déjà ressuscités. (Origène, Commentaires sur l'Evangile de Jean)

Nous n'ignorons pas que beaucoup de ces écritures secrètes ont été composées par des impies, de ceux qui font le plus haut sonner leur iniquité, et que les hérétiques font grand usage de ces fictions : tels les disciples de Basilide. Nous n'ignorons pas davantage que d'autres de ces apocryphes, mis sous le nom de saints, ont été composés par les Juifs, peut-être pour détruire la vérité de nos Écritures et pour établir de faux dogmes. Mais, en règle générale, nous ne devons pas rejeter en bloc, ce dont nous pouvons tirer quelque utilité pour l'éclaircissement de nos Écritures. C'est la marque d'un esprit sage de comprendre et d'appliquer le précepte divin : « Éprouvez tout, retenez ce qui est bon ». (Origène, In Matth. Comm., Ser XXVIII, t XIII col 1637).

Nous n’allons pas à Lui tous de la même manière, mais chacun selon sa propre force. (Origène, Homélie sur la Genèse)

Sache que sans exercice et sans connaissance, personne n’accueille la parole prophétique. Par conséquent, tu ne te rends pas chaque jour près du puits, si tu ne puises pas des eaux chaque jour près du puits, non seulement tu ne pourras donner à boire aux autres, mais tu endureras toi aussi la soif de la parole de Dieu selon le prophète Amos 8.11. (Origène)

Maintenant que nous nous sommes multipliés, comme il est difficile que beaucoup soient vraiment bons et impossible que la parole de Jésus -beaucoup d'appelés et peu d'élus- ne se vérifie pas ! De tant de personnes qui professent la foi chrétienne, on en trouve peu qui aient une foi véritable, et qui soient dignes de la béatitude. (Origène)

Lorsque vous recevez la sainte nourriture et cet aliment incorruptible, lorsque vous goûtez le pain et la coupe de la vie, vous mangez la chair et vous buvez le sang du Seigneur. (Origène)

Le règne de Dieu qui est en nous, alors que nous progressons toujours, parviendra à sa perfection lorsque la parole de l'apôtre Paul s'accomplira : le Christ "après avoir soumis" tous ses ennemis, "remettra son pouvoir royal à Dieu le Père pour que Dieu soit tout en tous" (1 Co 15,28). C'est pourquoi, priant sans relâche, avec des dispositions divinisées par le Verbe, disons : « Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne » (Mt 6,9). À propos du règne de Dieu, il faut encore remarquer ceci : Comme il n'y a pas d'union entre la justice et l'impiété, entre la lumière et les ténèbres, entre le Christ et Bélial, le règne du péché est inconciliable avec le règne de Dieu. Si donc nous voulons que Dieu règne sur nous, que jamais le péché ne règne dans notre corps mortel. Mais faisons mourir nos membres qui appartiennent à la terre, et portons les fruits de l'Esprit. Ainsi, comme dans un paradis spirituel, le Seigneur se promènera en nous, régnant seul sur nous, avec son Christ. Celui-ci trônera en nous, à la droite de la puissance spirituelle, que nous désirons recevoir, jusqu'à ce que tous ses ennemis qui sont en nous deviennent l'escabeau de ses pieds, et que soit chassée loin de nous toute principauté, puissance et souveraineté. Tout cela peut arriver en chacun de nous jusqu'à ce que soit détruit le dernier ennemi, la mort, et que le Christ dise en nous : Mort, où est ton dard venimeux ? Enfer, où est ta victoire ? Dès maintenant donc, que ce qui est périssable en nous devienne saint et impérissable ; que ce qui est mortel après la destruction, revête l'immortalité du Père. Ainsi Dieu régnera sur nous et nous serons déjà dans le bonheur de la nouvelle naissance et de la résurrection. (Origène, Traité sur la prière)

Après les apôtres, je regarde Origène comme le grand maître des Eglises ; l'ignorance seule pourrait nier cette vérité. Je me chargerais volontiers des calomnies qui ont été dirigées contre son nom, pourvu qu'à ce prix je pusse avoir sa science profonde des Ecritures. (Jérôme de Stridon + 420)

Origène d'Alexandrie est réellement l'une des personnalités les plus déterminantes pour tout le développement de la pensée chrétienne. Il recueille l'héritage de Clément d'Alexandrie [.] et le relance vers l'avenir de manière tellement innovatrice, qu'il imprime un tournant irréversible au développement de la pensée chrétienne. Ce fut un véritable "maître", et c'est ainsi que ses élèves se souvenaient de lui avec nostalgie et émotion: non seulement un théologien brillant, mais un témoin exemplaire de la doctrine qu'il transmettait: "Il enseigna", écrit Eusèbe de Césarée, son biographe enthousiaste, "que la conduite doit correspondre exactement à la parole, et ce fut surtout pour cela que, aidé par la grâce de Dieu, il poussa un grand nombre de personnes à l'imiter" (Hist. Eccl. 6, 3, 7). (Benoît XVI, 25 avril 2007)


Pour en savoir +


Sources


Auteur : Jean-Paul Coudeyrette
Référence publication : compilhistoire.fr ; reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur.

Date de mise à jour : 22/05/2024

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